Nigeria 2007 : des élections à jeu ouvert

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Les 14 et 21 avril, 61 millions de Nigérians choisiront leur nouveau président. Un scrutin qui se déroule à la fois sur fond de violences et de lutte anticorruption.

Pour la troisième fois depuis la fin de la dictature en 1999, le Nigeria organise des élections générales. Les 14 et 21 avril 2007, 61 millions d’électeurs devront choisir un nouveau président de la République, 469 députés et sénateurs ainsi que les gouverneurs et députés des assemblées des 36 Etats. L’enjeu principal est la succession du président sortant Olusegun Obasanjo, au pouvoir depuis 1999, mais de nombreuses batailles politiques se déroulent dans les divers Etats de la fédération.

Fait remarquable dans un pays sans tradition démocratique, le président ne briguera pas un troisième mandat, respectant ainsi la décision votée par l’Assemblée nationale en mai 2006 de ne pas réviser la Constitution pour l’y autoriser. A l’approche de l’échéance, le jeu politique semble assez ouvert. La multiplication des organisations politiques (40 en janvier 2007) ne devrait pas a priori disperser les voix, car les partis susceptibles de réunir plus de 1 % des scrutins, d’envoyer plusieurs députés à Abuja (la capitale) ou de faire élire un gouverneur sont rares.

A l’instar des élections antérieures, la campagne de 2007 est polarisée par les affrontements entre les trois ou quatre partis principaux et quelques thèmes classiques : tous les candidats promettent de gérer au mieux la rente pétrolière, de mettre fin au désordre dans le delta du Niger et de réduire la pauvreté endémique, mais peu indiquent les moyens d’y parvenir. La campagne anticorruption menée par la Commission des crimes économiques et financiers (EFCC), créée en 2002, rencontre une popularité certaine tout en permettant au gouvernement d’écarter les opposants les plus remuants. La controverse autour de l’application de la charia (adoptée par douze Etats du Nord) apparaît en revanche comme un sujet secondaire à l’échelle du pays. De fait, les trois principaux candidats sont originaires du Nord musulman et se sont alliés à des partis du Sud, les alliances transethniques et transreligieuses étant incontournables pour les prétendants à la présidentielle. L’originalité de la campagne de 2007 tient plus à une possible alternance politique même si l’absence de sondages ne permet pas d’évaluer la popularité des trois principaux candidats en lice.

Un fauteuil pour trois candidats

Atiku Abubakar, vice-président du Nigeria depuis 1999, s’est posé en successeur potentiel dès 2005. Exclu l’année suivante par Obasanjo de la vice-présidence et du parti présidentiel (le Parti démocratique du peuple, PDP), il a pris la tête du Congrès de l’action (AC), nouvelle organisation qui tente de rassembler les mécontents du PDP. Poursuivi pour enrichissement personnel, il s’est vu signifier par la Commission nationale électorale qu’il ne pouvait présenter sa candidature, décision dont il conteste la légalité.

De son côté, le général Mohammed Buhari, ancien chef de l’Etat, a su s’imposer au sein du principal parti d’opposition, le Parti de tous les peuples du Nigeria (ANPP) en ralliant Ahmed Sani, gouverneur de l’Etat de Zamfara, le premier à avoir introduit la charia dans un Etat de la fédération, ainsi que l’ancien et richissime président, Ibrahim Babangida. La faible implantation du parti au Sud est son principal handicap.

Enfin Umaru Yar’Adua, le candidat du parti au pouvoir imposé par Obasanjo est un inconnu sur la scène nationale. Mais le gouverneur de l’Etat de Katsina a l’avantage de ne pas être sur la " liste noire " des 31 gouverneurs soumis aux enquêtes de l’EFCC. Et il est au coeur des réseaux politiques du Nord. La campagne ne devrait pas échapper aux violences marquant les élections depuis 1999 du fait du recrutement par les candidats de voyous faisant le coup-de-poing contre l’adversaire ou les électeurs, ainsi que des liens entre les partis, les milices armées ou les organisations syndicales criminalisées. Face à de telles pressions, il n’est pas certain que le décompte des voix dans chaque bureau de vote avant le transfert des urnes dans un centre de recomptage suffise à inciter les électeurs à aller voter.

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