Roumanie : la minorité hongroise fait monter les enchères

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Dans la province de Transylvanie, 1,4 million d'habitants se déclarent Hongrois. Ayant obtenu des garanties en matière linguistique, ils visent désormais une autonomie culturelle et territoriale.

La Transylvanie est une province qui a été brinquebalée par l’Histoire. Avant la première guerre mondiale, elle appartenait à la Hongrie dans le cadre de l’Empire austro-hongrois. Mais après la défaite de ce dernier en 1918, le traité de Trianon (1920) l’a attribuée à la Roumanie. D’après le recensement effectué dix ans plus tôt et qui prenait essentiellement pour critère la langue maternelle des habitants, la Transylvanie comptait 53,7 % de Roumains, 31,7 % de Hongrois, 10,7 % d’Allemands, et d’autres minorités linguistiques (Slovaques, Serbes, Ukrainiens, Bulgares, Roms) ou religieuse (juifs).

La politique d’assimilation forcée et d’homogénéisation ethnique mise en oeuvre par les régimes roumains successifs, ainsi que les transformations sociales (industrialisation, exode rural) à l’époque communiste ont profondément modifié la composition de la province. Le pourcentage des Transylvaniens de langue roumaine a crû pour atteindre 73,6 % en 1992 tandis que ceux des Hongrois et des Allemands chutaient à 20,8 % et 1,4 %. Ces données sont recueillies lors des recensements, où les citoyens doivent préciser leur langue maternelle et s’identifier à l’une des communautés ethniques formant le pays.

En 2002, 1,4 million de citoyens sur 22 millions ont déclaré que leur langue maternelle était le hongrois et qu’ils s’identifiaient comme Hongrois. Un nombre infime d’entre eux (14 497 personnes soit 1 % du total) habitent dans une autre région du pays que la Transylvanie. De fait, les Hongrois de la province qui, durant le régime communiste ou après sa chute, ont quitté la région pour le reste du pays, ont cessé le plus souvent de se déclarer Hongrois. Beaucoup ont " roumanisé " leur nom. Le nombre de ces assimilés serait compris entre 150 000 et 200 000.

Outre l’assimilation, la Transylvanie, qui a vu sa population hongroise chuter de 1,75 million à 1,4 million entre 1992 et 2002, a été frappée par l’exil vers l’étranger. Après la chute du régime de Ceausescu en 1989 et le renouveau nationaliste roumain qui s’en est suivi, de nombreux Hongrois et Allemands de la province se sont installés en Hongrie et en Allemagne notamment, mais aussi dans d’autres pays.

Aujourd’hui, les Hongrois ne sont majoritaires que dans la partie orientale de la Transylvanie, le Sekerland, formé des comtés de Harghita et Covasna où ils représentent respectivement 85 % et 75 % de la population. Dans les comtés de l’ouest, leur pourcentage oscille entre 27 % et 39 %. Au centre ou au sud, il varie entre 5 % et 20 %.

En 1990, l’UDMR (Union démocratique des Hongrois de Roumanie), la première organisation hongroise, créée durant la chute du régime communiste, a manifesté son intention de se battre par la voie parlementaire pour la reconnaissance des droits de la communauté. L’UDMR, qui demeure le mouvement hongrois le plus important, revendique une autonomie à la fois culturelle et territoriale. L’autonomie culturelle consisterait à ce que les Hongrois puissent disposer d’un réseau propre d’écoles et d’institutions culturelles dans leur langue maternelle, y compris dans les autres provinces que la Transylvanie. L’autonomie territoriale s’appliquerait uniquement au Sekerland, ainsi qu’à certaines parties du canton de Mures, dans le centre de la Transylvanie, où les Hongrois sont majoritaires.

Ces revendications suscitent de nombreuses réticences dans la majorité, qui les soupçonne de vouloir faire sécession avec les encouragements de la Hongrie voisine. Mais l’appoint des voix de l’UDMR à la Chambre des députés (22 sièges sur 332) est indispensable pour constituer une majorité de gouvernement. Ce qui a contraint les grands partis à faire alliance avec elle. En 1996, l’UDMR était membre à la coalition qui a renversé les dirigeants ex-communistes. Entre 2000 et 2004, elle s’est alliée au Parti social-démocrate, au pouvoir. Depuis 2005, elle est dans les coalitions de centre droit qui gouvernent le pays. La volonté de la Roumanie d’intégrer l’Union européenne a aussi incité les autorités à reconnaître les droits de cette minorité.Au fil des années, l’UDMR a réussi à faire adopter par le Parlement plusieurs textes de lois, mais uniquement sur le plan culturel. Ainsi, est garanti l’usage de la langue hongroise dans les administrations et les tribunaux au sein des territoires habités par au moins 20 % de Hongrois. Par ailleurs, l’enseignement en langue maternelle est possible dans toute la Transylvanie, depuis les petites classes jusqu’à l’université.

Mais deux revendications culturelles de l’UDMR n’ont pas encore été satisfaites. D’abord, le rétablissement d’une université d’Etat indépendante en langue hongroise (celle de Bolyai a été supprimée en 1959). Ensuite, l’acceptation de la demande d’autonomie culturelle. Une telle reconnaissance est incluse dans un projet d’Acte sur les minorités. Elle permettrait aux membres de toutes les minorités nationales d’élire un Conseil pour l’autonomie culturelle de leur communauté - conseil qui serait, par exemple, associé à la gestion des établissements scolaires. Mais l’examen du projet est repoussé par le Parlement depuis 2006, les élites roumaines craignant que cela ne favorise la sécession d’une partie de la Transylvanie.

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