Éditorial

L’ami américain

3 min
Par Yann Mens

Barack Obama est américain. Et le fait qu’une bonne partie de la planète ait (virtuellement) voté pour lui n’y changera rien. Ce sont les électeurs de l’Iowa, de Virginie et de l’Oregon qui l’ont porté au pouvoir. C’est à eux qu’il devra rendre compte de son action et à eux qu’il pensera s’il prévoit un jour de se représenter. Une hypothèse que somme toute, il devra envisager rapidement (si ce n’est déjà fait) tant est court le mandat d’un président des Etats-Unis. C’est aussi bien sûr de Washington et du haut de la puissance américaine, encore dominante même si elle est entamée par la crise économique, qu’il regardera la géographie du monde et ses rapports de force chamboulés par la montée en puissance des pays émergents. Un monde qu’il connaît d’un peu plus près que son prédécesseur lorsqu’il accéda au pouvoir, mais qui n’a pas été au centre de sa brève carrière politique. Pour ces différentes raisons, et parce que, comme sa campagne l’a montré, il paraît naturellement enclin à la prudence et à la modération, il serait sans doute vain d’attendre que le nouveau locataire de la Maison Blanche imprime à la diplomatie de son pays un virage net. Le fait, par exemple, qu’après avoir allégé le contingent américain en Irak, il envisage d’envoyer plus de troupes en Afghanistan, montre qu’il entend, lui aussi, appliquer la méthode forte dans une région sensible où elle semble pourtant jusqu’ici porter des fruits bien modestes.

Sans anticiper de tournant spectaculaire, on pourrait espérer (rêver ?) que Barack Obama tire des enseignements des erreurs et des réussites de ceux qui l’ont précédé. Au Proche et au Moyen-Orient notamment. A l’inverse de Bush fils par exemple, il s’intéresserait alors sérieusement au problème israélo-palestinien dès le début de son mandat, et non pas à la fin. De même, il se montrerait capable d’exercer si nécessaire des pressions significatives sur l’allié israélien pour l’amener à de véritables concessions sur des sujets tels que l’expansion des colonies. Comme tenta de le faire en son temps Bush père, qui conditionna un appui financier des Etats-Unis à un infléchissement de la politique de l’Etat hébreu en la matière. Barack Obama pourrait aussi essayer de regarder davantage l’Iran comme une puissance ordinaire. Certes, l’histoire pèse de tout son poids passionnel dans les relations entre Washington et Téhéran. Le coup de force américain en 1953 contre le premier ministre Mohammad Mossadegh qui avait nationalisé le pétrole de son pays est une cicatrice encore ouverte dans la mémoire de nombreux Iraniens, au moins les plus âgés. Et à l’inverse, les images des otages de l’ambassade des Etats-Unis en 1979 ne se sont pas effacées de nombreuses rétines américaines. Mais est-il vraiment impossible aujourd’hui, alors que le nouveau président entend incarner une relève de génération, de solder politiquement ce passé de plus en plus lointain ? Et doit-il encore empêcher deux puissances qui ont également intérêt à ce que la région qui va de l’Irak au Cachemire soit stabilisée de se parler, sans complaisance bien sûr mais avec mesure ? Barack Obama a fait part de sa préoccupation à propos du programme nucléaire iranien. Qui ne la partagerait pas, en dehors des partisans d’une dissuasion généralisée ? Le président américain sera d’autant mieux entendu dans le reste du monde que sous sa direction, les Etats-Unis se montreront prêts à respecter l’esprit du traité de non-prolifération qu’ils ont signé tout comme l’Iran, et à démanteler sérieusement leur propre arsenal nucléaire.