Chine : Pékin en position de donner des leçons

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Le premier émetteur mondial de CO2 a pris de lui-même des mesures pour réduire sa consommation énergétique et accroître le recours aux énergies renouvelables.

Longtemps, la Chine a été le second émetteur de gaz carbonique, derrière les Etats-Unis. Au début des années 2000, les experts officiels américains eux-mêmes estimaient qu’elle ne dépasserait pas leur pays avant 2030. En 2007 cependant, l’Agence internationale de l’énergie a placé la Chine en tête du classement mondial. Cette première place en termes d’émissions globales ne doit cependant pas occulter une autre réalité statistique : la Chine n’est responsable que de 8 % des émissions de CO2 accumulées dans l’atmosphère entre 1900 et 2005. En revanche, la part des Etats-Unis dans ces émissions cumulées est de 30 %, et celle de l’Union européenne s’élève à 23 %. Certes, la part de la Chine devrait doubler d’ici 2030, mais elle restera tout de même très inférieure à celles des Etats-Unis (25 %) et de l’Union européenne (18 %). En outre, les émissions par habitant de la Chine sont cinq fois moins importantes que celles des Etats-Unis. Et même en 2030, elles leur seront encore inférieures de plus de la moitié.

La Chine met en avant la taille de sa population et de son économie pour expliquer qu’elle soit devenue le premier émetteur mondial.De fait, le pays est aujourd’hui l’atelier du monde et une large part de ses émissions servent à fabriquer des biens consommés en Occident. L’argument est légitime. Pour autant, chacun s’interroge sur la contribution que la Chine apportera à la lutte contre le changement climatique.

Pour répondre à la question, il convient d’examiner d’abord les efforts dans lesquels la Chine est déjà engagée. Pékin s’est fixé l’objectif de réduire sa consommation énergétique de 20 % par unité de PIB (produit intérieur brut) au cours son plan quinquennal actuel (2006-2010). Or l’industrie représente 70 % de la consommation d’énergie chinoise. Les autorités ont donc lancé un programme couvrant 1 008 entreprises de neuf secteurs qui, en 2004, représentaient 47 % de la consommation d’énergie dans l’industrie. Le pays a aussi mis en place plusieurs dispositifs dans l’habitat, ancien et nouveau, afin d’y améliorer l’efficacité énergétique, et dans les transports, avec par exemple une forte augmentation des taxes sur les automobiles les plus puissantes. La Chine entend en outre faire passer la part des énergies renouvelables dans sa consommation totale d’énergie de 8 % en 2006 à 16 % d’ici 2020. Pour y parvenir, elle a investi 12 milliards de dollars au cours de l’année 2007, juste derrière l’Allemagne (14 milliards), leader mondial sur ce plan. En matière d’éolien, la capacité installée du parc chinois atteignait 2,60 gigawatts en 2006. Elle a été portée dès 2007 à 6,05 gigawatts - soit bien au-delà, donc, des 5 gigawatts que le pays s’était initialement fixés comme objectif pour 2010.

Si la Chine parvient à remplir le but qu’elle s’est fixé de réduire sa consommation énergétique de 20 % au cours de son plan quinquennal, cela devrait se traduire à cette date par une réduction de ses émissions mondiales de 1 320 millions de tonnes de dioxyde de carbone en 2010. Par comparaison, l’engagement des pays développés qui ont souscrit au protocole de Kyoto, se sont engagés à réduire leurs propres émissions de 422 millions de tonnes. Soit 30 % seulement de ce qui devrait résulter des économies d’énergie décidées par la Chine.

La réduction des émissions chinoises est-elle le fruit des efforts de la Chine elle-même ? Ou est-ce surtout l’effet du Mécanisme de développement propre (MDP), lequel permet à un pays développé qui finance des projets réduisant les effets de serre dans un pays en développement d’acquérir des crédits d’émission ? La Chine concentre 1 377 projets MDP (soit 36,1 % du total de ces projets dans le monde). Mais étant donné notamment que la loi chinoise limite à 50 % l’investissement étranger dans les projets MDP, cet investissement devrait contribuer au final à 5 % seulement des réductions d’émission prévues d’ici 2010. La quasi-totalité des résultats chinois dans ce domaine seront donc dus aux efforts du pays lui-même, et non à la coopération étrangère.

En juin 2007, la Chine a confirmé qu’elle reconnaissait l’importance croissante de la question du changement climatique en rendant public son Programme national sur ce sujet. C’est le premier programme de ce genre dans un pays en développement. Il vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’un équivalent de 950 millions de tonnes de CO2 à l’horizon 2010. Pour ce faire, un Groupe dirigeant national pour la réponse au changement climatique a été créé sous la présidence du premier ministre Wen Jiabao et regroupe des représentants de 28 ministères. Et la Commission nationale pour le développement et la réforme, la plus haute autorité chinoise en matière de planification économique, a reconnu la nécessité de renforcer son rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Que peut-on donc attendre de la Chine pour l’après-Kyoto ? Ni les autorités politiques, ni le secteur privé du pays, ni même les groupes de défense de l’environnement et les autres segments de la société chinoise n’envisagent que Pékin s’engage à plafonner ses émissions pour la période 2012-2020 qui est l’objet des actuelles négociations internationales. Certes, les scientifiques ont confirmé que le pays, et surtout son agriculture, souffraient des conséquences du réchauffement. Mais ils montrent aussi que celui-ci résulte des émissions accumulées dans l’atmosphère depuis plusieurs décennies par les pays développés, et non des émissions actuelles. La Chine demande donc aux pays développés d’assumer l’essentiel de l’effort en matière de réduction des émissions, en raison de cette responsabilité historique, et aussi parce qu’ils détiennent les moyens financiers et technologiques nécessaires.

Si la Chine exclut de plafonner ses émissions globales dans le cadre des négociations internationales en cours, il est possible qu’elle s’engage volontairement à mettre en oeuvre des politiques spécifiques dans le but de les réduire au cours de la période 2012-2020. Il est fort improbable, en revanche, qu’elle aille au-delà - en acceptant par exemple de plafonner ses émissions dans un secteur spécifique de son économie d’ici 2020. Etant donné le court délai qui nous sépare de décembre 2009, terme prévu des négociations, il paraît en effet impossible que les Etats se mettent d’accord sur les règles, les pays et les secteurs concernés. Par ailleurs, les pays en développement ne s’engageront pas sans qu’un mécanisme effectif de financement international d’importance ait été mis au point pour soutenir leurs actions. Enfin, l’attitude des Etats-Unis sera déterminante. Même si la proposition de loi Lieberman-Warner sur la sécurité climatique était approuvée par le Congrès américain, les émissions américaines en 2020 seraient au mieux ramenées à leur niveau de 1990. Ce qui est tout à fait insuffisant pour que les pays en développement, et singulièrement la Chine envisagent de prendre des engagements.

Au-delà des négociations internationales, la meilleure façon, et la plus réaliste, pour Pékin d’agir en Etat responsable sur la scène mondiale est de poursuivre ses efforts nationaux. Ce qui suppose notamment de renouveler dans les prochains plans quinquennaux des objectifs aussi ambitieux que ceux du plan en cours. Ambitieux, car en 2006, première année de mise en oeuvre de celui-ci, l’intensité énergétique n’a baissé que de 1,79 %. Certes, il s’agissait de la première baisse depuis 2003, mais elle était loin de l’objectif de 4 %. En 2007, la baisse a été de 3,66 %. Pour respecter les objectifs fixés à l’horizon 2010, il faudrait réduire l’intensité énergétique de 5,44 % par an au cours des trois années qui restent. La tâche n’est pas impossible, mais elle sera ardue.

L’important est que la Chine réduise ses émissions, peu importe que ce soient par des engagements internes ou internationaux. Comme le disait Deng Xiaoping, "l’important n’est pas que le chat soit blanc ou noir, mais qu’il attrape les souris".

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