Opinion

Palestine : une trêve en trompe-l’oeil

4 min
Rony Brauman Ancien président de Médecins sans frontières

Si l’on en juge par les titres de presse, la trêve instaurée en juin 2008 entre Israël et les groupes armés palestiniens est respectée. Les roquettes tirées en novembre sur Sderot, en riposte à une attaque israélienne ayant fait six morts palestiniens dans la bande de Gaza, semblent une bourrasque dans un paysage redevenu serein. Elles n’ont pas fait de victimes israéliennes. Selon un porte-parole de Tsahal, l’attaque israélienne contre Gaza ne constituait pas elle-même une violation de la trêve, mais une simple "opération ponctuelle" ciblant un trafic entre l’Egypte et le territoire palestinien. Au moment où Barack Obama doit prendre ses fonctions de président des Etats-Unis - le 20 janvier -, et alors que les Israéliens s’apprêtent à choisir leur prochain premier ministre, mi-février, le calme semble durablement installé. Peut-on imaginer, quinze ans après la signature des accords d’Oslo, qu’il annonce la reprise de négociations et une perspective de paix ? Rien, malheureusement, n’est moins sûr, car pendant la trêve, la colonisation n’est pas suspendue, l’asphyxie économique demeure la règle et la situation matérielle des Palestiniens ne cesse de se détériorer.

A Hébron, par exemple, selon une enquête du Comité international de la Croix-Rouge, plus des deux tiers de la population vit sous le seuil d’extrême pauvreté (60 euros par mois), les soupes populaires se multiplient. Mais la "lutte contre le terrorisme" ne se relâche pas. L’armée israélienne est partie en guerre contre les associations caritatives liées au Hamas et, au-delà, à des magasins privés qui lui paraissent suspects. Des entrepôts de nourriture ont été vidés, des boulangeries et d’autres commerces ont été fermés, y compris des boutiques de mode et des salons de coiffure. Dans le reste de la Cisjordanie, des colons attaquent régulièrement des paysans palestiniens : des petits groupes envahissent les oliveraies, caillassent ou tabassent, volent, et peuvent rentrer chez eux sans être inquiétés par les autorités militaires israéliennes.

Comme l’ont montré de récents incidents, ils s’attaquent aussi à l’armée israélienne lorsque, bien rarement, celle-ci tente de les freiner. Les violences verbales et physiques de ces fanatiques ont cette fois suscité une réaction indignée du gouvernement israélien qui s’est déclaré prêt, par la bouche d’Ehoud Olmert, à "stopper le financement, direct ou indirect, des avant-postes illégaux". Ceux-là même que Sharon s’était engagé à démanteler en 2001 et dont on dénombre une centaine. Le premier ministre confirme au passage que l’Etat hébreu n’a jamais cessé, contrairement à ses obligations, de soutenir leur développement, ce que chacun pouvait au demeurant constater sur le terrain. Rappelons que le droit international interdit l’installation de populations civiles dans des territoires occupés. Les autres "implantations" ne sont donc pas plus légales que les "avant-postes illégaux" mais le nombre de leurs habitants (près de 450 000) a doublé depuis les accords d’Oslo de 1993.

Quand des bombes n’explosent pas dans des pizzérias ou des gares routières israéliennes, quand Tsahal n’est pas à l’attaque quelque part, bref quand le Proche-Orient est en sourdine, la stratégie de harcèlement quotidien est à l’oeuvre. Ehoud Barak, ministre de la défense, l’homme qui déplore n’avoir "pas de partenaire pour la paix", prétend ne pas être en mesure d’empêcher les attaques de colons contre les cueilleurs d’olive. Que se passe-t-il, en somme, quand il ne se passe (médiatiquement) rien ? Tout. Le grignotage des terres et l’épuisement des habitants de Palestine se poursuivent. Et l’on voit mal pourquoi le gouvernement qui sortira des urnes israéliennes en février 2009 déciderait de changer de politique, alors qu’elle semble si bien réussir. Quand le terrorisme fait des ravages, il n’y a pas de négociation possible ; quand il n’y a pas d’attentat, la négociation perd toute nécessité. En pratique, Israël ne discute avec l’Autorité palestinienne que de sa propre sécurité.

A ce stade, seul un engagement volontariste des Etats-Unis et de l’Europe peut quelque peu redresser un rapport de forces si déséquilibré. L’élection de Barack Obama, que des dirigeants israéliens appellent déjà à la "fermeté" pour l’Iran, est la seule bonne nouvelle dans ce paysage pour le moins désolé.

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