"Face aux exploiteurs, nous brandissons le code du travail"

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Ancien ouvrier sur les chantiers, Li To, responsable d'une ONG d'aide aux travailleurs migrants, assiste aujourd'hui les mingong, ces migrants venus des campagnes, pour qu'ils obtiennent le paiement de leurs arriérés de salaire.

"Je ne suis pas un agitateur", prévient Li To dans un léger sourire, "ce n’est pas mon métier..." Quadragénaire affable, l’homme serait plutôt, à l’en croire, une sorte de "médiateur, un homme de dialogue". Responsable de Beijing Facilitator, une ONG d’aide aux mingong, les travailleurs migrants venus des campagnes, perdue dans le labyrinthe d’une hutong (ruelle) du vieux Pékin, Li To est surtout et avant tout une grande figure du quartier. Dans ces ruelles en enfilade, cet ancien travailleur de chantier est connu comme le loup blanc. "Il y a beaucoup de personnes, souvent, qui passent le voir - lui ou les autres permanents de l’organisation", souffle une commerçante locale. "En tout, plus de 90 000 travailleurs migrants, jure l’intéressé, sont venus nous consulter depuis que nous avons ouvert nos portes, en 2003." "Notre but est de soutenir tous ceux qui viennent à nous", commente à ses côtés un autre permanent.

Aujourd’hui, Pékin abrite encore 4 à 5 millions de mingong - sur un total d’environ 130 millions dans toute la Chine -, venus occuper des postes pas ou très peu qualifiés dans les usines de produits d’exportation, ou sur les innombrables chantiers de la capitale chinoise. "Bien sûr, beaucoup de ces travailleurs migrants ne viennent pas nous voir. Ils n’ont pas encore l’habitude de ce genre de démarche." Et Li To de se féliciter : "Mais 90 000 personnes, pour une structure comme la nôtre, c’est beaucoup !"

Sur place, rien de gigantesque en effet. Une petite cour dessert une cuisine et quelques salles de réunion. "C’est ici que les gens viennent expliquer leurs problèmes." La plupart du temps, il s’agit de plaintes liées à des arriérés de salaire ou à des défauts de prise en charge en cas d’arrêt maladie. Plusieurs juristes et avocats viennent régulièrement conseiller une équipe de permanents, composée presque exclusivement d’anciens travailleurs migrants. "Nos permanents connaissent très bien ce milieu. C’est indispensable. Les mingong ont longtemps été dans notre pays une société d’exploités. Et ça m’a toujours révolté", explique Li To. "Même si les choses ont changé depuis un an, ils ne connaissent pas bien leurs droits." Un nouveau code du travail - qui vise à protéger l’ensemble des salariés, y compris les mingong - est applicable depuis le 1er janvier 2008. Les employeurs sont, théoriquement, tenus de faire signer à tous un contrat de travail - ce qui n’était pas le cas jusqu’alors.

Souvent, Li To accompagne les mingong jusqu’au bout de leurs démarches - et peut se déplacer sur un chantier ou une usine en cas de tentative de conciliation directe. "Quand ils nous voient, les employeurs baissent la garde, car ils savent que nous connaissons la loi." En revanche, les mingong vont très rarement jusqu’au tribunal, car la procédure est longue (de huit à douze mois) et très coûteuse. Faute de parvenir à une conciliation directe, ils s’adressent à des bureaux municipaux du travail, des commissions qui réunissent employeurs et employés. Mais le taux de compromis en faveur des migrants est difficile à estimer.

L’ONG, bien que ne relevant d’aucun organe de l’Etat, entretient des liens forts avec les autorités. "Rester en contact avec les officiels est la seule façon, je crois, de changer efficacement les choses", confie son responsable. "Nous nous voyons régulièrement, parlons des problèmes rencontrés, mais nous ne recevons pas d’argent public." "En fait, ce type d’ONG propose aux migrants des services que l’Etat ne peut pas offrir, assure une doctorante française en sciences politiques installée à Pékin. En contrepartie, elles peuvent se permettre d’avoir un discours légèrement plus agressif que la moyenne." Sans jamais, pour autant, sortir du cadre politique imposé.

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