Bioéthique : que faut-il autoriser ? (introduction du dossier)

3 min
Par Yann Mens

A quel moment commence la vie humaine ? Un embryon est-il déjà une personne ? Peut-on créer des embryons à seules fins de recherches ? A-t-on le droit de faire naître un enfant pour soigner l’un de ses aînés ? Faut-il qu’une personne née d’un don de gamètes puisse connaître ses origines ? La procréation médicalement assistée doit-elle être ouverte aux célibataires ? Une femme peut-elle demander à une autre de porter son embryon ?... Certaines de ces questions sont anciennes. Mais les changements des représentations sociales sur la famille et la filiation ont modifié l’appréhension que nous en avons. D’autres sont apparues récemment. A des degrés divers, toutes sont bouleversées par les découvertes et les techniques scientifiques. Leur évolution est si rapide qu’elle contraint nos sociétés à se repencher sur la hiérarchie de leurs valeurs pour modifier, ou pas, les normes qui règlent leur vie.C’est ce que va faire la France qui vient de lancer la révision des lois de bioéthique votées en 1994 et déjà amendées en 2004. Des textes que certains préféreraient qualifier de "lois de régulation biomédicale" pour éviter toute confusion entre loi et morale. Les discussions parlementaires se dérouleront début 2010 mais seront précédées, au cours de ce printemps, d’états généraux qui visent à favoriser un débat citoyen. Débat au cours duquel les scientifiques doivent contribuer au discernement collectif, mais sans avoir une voix prépondérante.

De tels choix, d’autres pays les ont faits parfois avant la France. Et il est frappant de constater combien, y compris au sein de l’Europe, les options qu’ils ont prises sont diverses. La Grande-Bretagne, par exemple, n’a guère d’hésitations en matière de recherche sur les cellules souches, jusqu’à autoriser récemment la création de cybrides, embryons dont le patrimoine génétique est d’origine humaine mais l’enveloppe cellulaire d’origine animale (lire p. 50). De même, contrairement à celle de la France, la loi belge permet aux femmes célibataires d’accéder à la procréation médicalement assistée (lire p. 52).

Au nom du droit de l’enfant à connaître ses origines, la Suisse a renoncé, sous certaines conditions, à l’anonymat des donneurs de gamètes (lire p. 56). Et les pays du sud du continent, réputés plus conservateurs, ont pris des options que, selon son point de vue, chacun jugera audacieuses ou aventureuses. La Grèce autorise depuis plusieurs années la gestation pour autrui, plus connue sous le nom de "mères porteuses" (lire p. 54). Et en octobre dernier, est né le premier "bébé médicament" espagnol(lire p. 53). Face à ces options, les décisions de chaque pays sont compliquées par la circulation des hommes et des biens au-delà des frontières, qui permet d’accéder à des tests génétiques sur internet, par exemple. Ou de recourir à moindre frais à une mère porteuse dans un pays en développement.

En toute hypothèse, des arbitrages doivent être faits entre les possibilités qu’offre la science et la dignité due à toute personne humaine. Entre le désir des parents et l’intérêt, difficile à anticiper, de l’enfant. Sans attendre d’accord sur ce que l’on souhaite, est-il possible, comme le suggère un avis du comité national consultatif d’éthique 1, de se mettre au moins d’accord sur ce que collectivement l’on refuse, sur ce qui est inacceptable ?

  • 1. Questionnement pour les états généraux de la bioéthique, par Frédérique Dreifuss-Netter et Alain Cordier, CCNE, 9 octobre 2008.

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