Finance : les travaux d’hercule du G20

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Surveillance du crédit, contrôle des traders, lutte contre les paradis fiscaux... Les grands pays du Nord et du Sud ont lancé un programme ambitieux. Que l'Europe peine à mettre en place chez elle.

Le sommet du G20 à Londres le 2 avril dernier représente un succès remarquable de gouvernance globale dans lequel l’Europe a joué un rôle moteur. C’est en effet l’Union européenne (UE) qui, lors de la présidence française du Conseil, a proposé de traiter du thème de la crise au sein de cette instance.

Le G20 a été créé en 1999 comme forum de discussion principalement entre les ministres des finances et les gouverneurs de banques centrales. Longtemps, il n’a eu qu’un agenda limité. Comme il était impossible d’aborder les sujets liés à la crise économique et financière actuelle dans le cadre trop vaste des Nations unies, le G20, parce qu’il réunit les grands pays du Nord et du Sud, a semblé aux Européens un cadre plus adapté que le G7.

Lors du sommet de Londres, les chefs d’Etat se sont mis d’accord sur un éventail de mesures détaillées qui visent à améliorer la régulation financière. Cet accord était d’autant moins acquis à l’avance que jusqu’au début de la crise actuelle, les pays européens eux-mêmes n’avaient pas de position commune dans ce domaine, face aux Etats-Unis notamment. C’est seulement au cours des derniers mois que les points de vue au sein de l’Union se sont rapprochés sur des sujets tels que le contrôle des agences de notation ou la définition exacte des ratios de capital à exiger des banques par rapport aux crédits qu’elles accordent. Dans d’autres domaines, tels que la manière d’organiser la supervision financière, entre niveau national et communautaire, la convergence est plus lente.

La déclaration finale du G20 a prévu un programme de travail énorme dans des délais très courts pour les institutions internationales et les gouvernements. En matière de régulation financière, l’élément central de ses propositions est le renforcement du Conseil de stabilité financière (CSF) qui succède au Forum de stabilité financière (FSF). Ce dernier, qui avait été créé par le G7 après la crise financière asiatique de 1997-98, était essentiellement un lieu de réflexion et de proposition politiques. Le CSF devrait être plus actif. Sa composition a d’ailleurs été élargie. Ainsi, tous les pays du G20 y seront désormais représentés. L’Espagne y fait aussi son entrée. Autre signe de l’influence croissante des Européens : la Commission européenne et la Banque centrale européenne en seront désormais membres - alors que le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale siégeaient déjà au Forum.

La tâche qui attend le CSF est énorme. Il est en effet attendu de lui qu’il déclenche, avec le FMI notamment, des alertes précoces sur les risques macro-économiques et financiers, tel l’emballement du crédit, pour aider les autorités nationales à détecter ces signes. Il devrait aussi garantir que toutes les institutions financières, les instruments (dont les fonds spéculatifs) et les marchés soient adéquatement supervisés au niveau supranational pour prévenir les corrections trop brutales.

Deux autres mesures ont beaucoup attiré l’attention des médias, mais seront difficiles à appliquer. Elles semblent en effet davantage guidées par le souhait de gagner les faveurs de l’opinion que par une volonté de changement.

La première porte sur les politiques de rémunération dans le secteur financier. Les autorités nationales de contrôle de ce secteur devront s’assurer que la rémunération des traders, entre autres, n’est pas excessive par rapport aux objectifs de long terme de l’institution financière qui les emploie. Dans le cas contraire, les autorités de contrôle pourraient exiger de cette institution qu’elle gèle davantage de capitaux. Un tel objectif est difficile à atteindre dans le cadre de l’Union européenne elle-même, car les niveaux de rémunération des acteurs financiers varient considérablement d’un pays à l’autre. Ils dépendent de caractéristiques locales comme le coût de la vie, la fiscalité, la sécurité sociale, les cultures nationales, la gouvernance interne des banques...

De même, à propos des paradis fiscaux, le G20 a déclaré que " l’ère du secret bancaire (était) révolue ". Et il a établi une liste de contre-mesures possibles, telles la transparence et la taxation des paiements provenant des paradis fiscaux, et même des sanctions économiques. Les paradis fiscaux ne sont cependant pas la cause de la crise économique et financière actuelle. Ils constituent plutôt des boucs émissaires commodes pour occulter les dysfonctionnements des grands centres financiers " onshore " comme la City de Londres ou Wall Street. Qui plus est, les membres du G20 ont pris soin de défendre les intérêts de leurs propres paradis fiscaux (Jersey pour le Royaume-Uni, le Delaware ou le Nevada pour les Etats-Unis...), qui n’ont pas été intégrés dans la liste des principaux suspects.Le G20 sera-t-il capable de respecter ses engagements ? Vu l’accueil positif des conclusions du sommet, dans la majorité des pays européens notamment, il devrait se sentir obligé de le faire. Et dans un tel contexte, l’Union devrait prêcher par l’exemple. En ce sens, le rapport dirigé par Jacques de Larosière et publié en mars, qui propose de réformer le système européen de supervision financière, est un pas dans la bonne direction, mais encore timide. Jusqu’à présent, cette supervision des banques, des compagnies d’assurance et des établissements financiers reste de la compétence d’autorités nationales qui partagent peu leurs informations alors que les flux transfrontaliers se multiplient. Trois comités européens regroupant ces superviseurs nationaux existent, mais leurs décisions ne sont pas contraignantes. La crise a confirmé les limites du dispositif. Le rapport de Larosière propose donc que la Banque centrale européenne soit dotée de pouvoirs de contrôle des marchés financiers dans l’Union. Il prévoit aussi d’accorder plus de pouvoirs aux trois comités, mais sans aller jusqu’à les regrouper dans une entité unique forte siégeant au dessus des Etats membres, ce qui aurait été plus efficace et plus conforme à la logique communautaire.

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