OMC : les tentations protectionnistes d’Obama

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Le cycle de Doha bute sur le soutien des Etats du Nord à leurs agriculteurs. L'UE a lâché du lest. Pas les Etats-Unis. Et les craintes liées à la crise économique éloignent encore les chances d'un compromis.

Le cycle de négociations multilatérales de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) lancé à Doha en 2001 est aujourd’hui bloqué. C’est un cycle très différent du précédent. L’accord qui avait clôturé l’Uruguay Round (1986-1994) reposait sur un compromis élaboré par deux puissances : les Etats-Unis et l’Union europé­enne (UE). Pour celui de Doha, les conflits entre elles sont moins aigus, mais la capacité à peser dans la négociation est répartie entre un nombre bien plus important d’Etats, et notamment les grands pays émergents du Sud (Brésil, Chine, Inde), présents cette fois de tout leur poids. Comme à l’OMC les décisions doivent être prises par consensus, cette nouvelle configuration complique l’issue du cycle.

Contrairement à ce qui s’était produit lors de l’Uruguay Round, l’UE n’est pas accusée cette fois de bloquer les négociations en s’arc-boutant à des positions " inflexibles ". En matière agricole, sujet sur lequel elle est pourtant le plus sur la défensive, l’Union a proposé d’éliminer les subventions à l’exportation, accepté de réduire de 80 % les soutiens internes à ses agriculteurs et offert d’abaisser de plus en plus substantiellement le taux maximum de ses taxes sur les importations. Ces ouvertures sont facilitées par les réformes de la PAC (politique agricole commune) que l’Union a introduites ces dernières années, pour des raisons surtout internes. Par ailleurs, au-delà du secteur agricole, l’UE a accordé un accès en franchise de douanes et de contingent à tous les produits en provenance des 49 pays les moins avancés ainsi qu’aux pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), anciennes colonies européennes.

Les Etats-Unis, eux, ne semblent pas disposés à clore rapidement le cycle de Doha. Prenant le contre-pied de la réforme de la PAC, le Congrès américain a approuvé en 2008 à une majorité écrasante le Farm Bill qui, dans l’hypothèse où les cours des produits agricoles seraient relativement bas, permettrait d’accorder aux agriculteurs américains un soutien plus élevé que le maximum autorisé par les propositions en discussion à l’OMC. Les Etats-Unis ne sont pas prêts non plus à accepter la requête de quatre pays parmi les plus pauvres du monde (Burkina Faso, Bénin, Tchad et Mali) qui demandent que les soutiens accordés par les pays riches à leurs propres cotonculteurs soient éliminés, ou très fortement réduits. Par ailleurs, les Etats-Unis refusent la mise en place d’un mécanisme de sauvegarde qui, en cas de forte augmentation du volume des importations, permettrait aux seuls pays en développement d’imposer des taxes additionnelles sur ces importations. PourWashington, cela risquerait en effet d’annuler les effets d’une ouverture du marché agricole de ces pays, ouverture qui pourrait découler d’un accord final du cycle de Doha. Enfin, les Etats-Unis, comme l’UE cette fois, entendent aussi accéder aux marchés non-agricoles des pays émergents et demandent des concessions significatives en ce sens. Que ces pays refusent.

L’attitude de la nouvelle administration américaine vis-à-vis du cycle de Doha n’est pas encore claire. Comme candidat, Barack Obama avait exprimé son total soutien au Farm Bill et prêté " attention " aux demandes protectionnistes des secteurs industriels américains les moins compétitifs. Devenu président, il a laissé entendre que la libéralisation du commerce ne faisait pas partie de ses premières priorités. Son " Programme de politique commerciale 2009 " montre d’ailleurs plus d’intérêt pour les acteurs économiques qui veulent garder leurs parts du marché intérieur américain en se protégeant des importations compétitives, que pour ceux qui réclament des réformes multilatérales afin de faciliter la conquête de marchés étrangers.

La crise financière n’a pas seulement détourné l’attention des négociations à l’OMC, elle a aussi suscité (partout) une forte demande de protectionnisme. En dépit des réaffirmations selon lesquelles un accord sur le cycle de Doha est plus que jamais nécessaire, le climat n’est pas propice à une libéralisation accrue du commerce. Davantage de temps, de négociations, et une volonté politique bien plus grande seront nécessaires pour sortir le cycle de l’impasse.

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