Histoire

Belgique : un pays au bord de la crise de nerfs

3 min

Parce qu'elle coupe la frontière linguistique, la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde est source de conflits entre Flamands et Wallons dans un pays où la réalité économique freine de vraies tentations de sécession.

La crise belge actuelle trouve son origine dans l’impossibilité de régler par consensus deux types de problèmes. D’abord, la scission de l’arrondissement de " BHV " (" Bruxelles-Hal-Vilvorde "). Fin avril, un parti flamand de la coalition gouvernementale a exigé, à la surprise générale, son règlement en quelques jours. Cet arrondissement permet à tous ses habitants de voter, au niveau fédéral, pour les mêmes listes - francophones ou flamandes -, alors qu’il est traversé par la " frontière linguistique " qui sépare deux entités fédérées, la région bilingue de Bruxelles-Capitale (B) et la région unilingue de la Flandre (HV).

Les partis flamands exigent de diviser B et HV pour réaliser leur objectif national d’intégrité territoriale et pour mettre en cause, arbitrairement selon les francophones, les droits des importantes minorités francophones établies sur HV (environ 100 000 personnes, majoritaires dans certaines communes). Si HV ne votait pas avec Bruxelles, des candidats francophones seraient difficilement élus. Faute de régler cette question dans le délai imparti, malgré des négociations dans un climat positif, le premier ministre a dû présenter la démission de son gouvernement. L’on votera le 13 juin.

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L’arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde intègre des communes du Brabant flamand, traversant ainsi la frontière linguistique. Quant aux habitants des " communes à facilités ", ils ont le droit d’utiliser le français pour communiquer avec l’administration flamande.

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L’arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde intègre des communes du Brabant flamand, traversant ainsi la frontière linguistique. Quant aux habitants des " communes à facilités ", ils ont le droit d’utiliser le français pour communiquer avec l’administration flamande.

La crise dépasse toutefois cette question territoriale. Elle résulte aussi de l’absence d’accord sur la forme future de l’Etat. Les partis flamands revendiquent une autonomie fortement accrue, entre fédéralisme et confédéralisme et, pour les plus nationalistes, l’indépendance. Les sondages montrent toutefois que les positions des partis flamands sont plus radicales que celles des citoyens flamands. Quant aux partis francophones, plus attachés à la Belgique, comme leur électorat, ils sont prêts à accroître l’autonomie des composantes de l’Etat, mais sans mettre en cause la fiscalité et des fonctions de redistribution de l’Etat-providence.

Partition à la tchécoslovaque

Que se passera-t-il après les élections ? Même si, à l’exception des indépendantistes, Flamands comme francophones disent rechercher le compromis, des menaces pèsent sur l’avenir du pays. Un accord de gouvernement sera-t-il encore possible ? Quel sera le score des indépendantistes en Flandre ? Un gouvernement avec une majorité suffisante pourra-t-il être formé sans eux ? Selon un sondage pré-électoral, le ratio en Flandre entre les partis autonomistes et indépendantistes serait d’environ 60-40 %. Sans solution, le niveau fédéral pourrait devenir ingouvernable, ne laissant comme structures de gouvernement opératoires que les entités fédérées. Ce serait alors à elles de décider de l’avenir du pays. L’hypothèse de la partition à la tchécoslovaque ne serait pas exclue en cas de désaccord persistant, même si elle poserait de redoutables problèmes comme ceux du partage de la dette et du sort de Bruxelles-Capitale. Dans cette hypothèse extrême, les francophones joueraient certainement la carte d’une union entre Bruxelles, francophone à plus de 90 %, et la Wallonie, sans exclure des relations privilégiées avec la France. La Flandre essayerait de l’attirer ou de la pousser vers un statut de " district européen " multilingue. Le coût de l’indépendance pourrait être élevé pour la Flandre, qui trouverait plus d’avantages dans une Belgique " minimale ". Mais une poussée nationaliste pourrait faire fi de cette rationalité...

Mais il n’est pas impossible d’arriver à un accord sur les droits des francophones vivant près de Bruxelles et sur le remodelage de l’Etat, entre autonomie et solidarité, dans la tradition des " compromis à la belge ". Ce sera difficile car il n’y a plus de classe politique unifiée - le fédéralisme a divisé la société politique en deux, avec les problèmes de communication qui en découlent. Mais la crise économique, si elle persiste en Europe, pourrait forcer à finaliser des accords qui, sinon, seraient improbables.

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