Déclaration de Paris de 2005 : l’aide liée ou le retour à l’envoyeur

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Par souci d'efficacité immédiate ou de promotion d'intérêts commerciaux, mais toujours au détriment du développement à long terme, les pays donateurs ont plusieurs manières d'imposer qu'un projet soit réalisé par une de leurs entreprises.

Le Comité d’aide au développement (CAD), club des pays donateurs au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques, a déboursé 119,6 milliards de dollars en 2009. Officiellement, car des artifices sont utilisés pour comptabiliser comme aide ce qui n’en est pas vraiment. Dont l’aide " liée ", en bonne place. Elle consiste à imposer que la réalisation d’un projet soit exécutée par des entreprises du pays donateur. Cette pratique brouille la frontière entre aide et promotion d’intérêts commerciaux et surtout entrave le développement. Elle prive les pays du Sud de marchés, donc d’emplois, de ressources, et freine la construction du tissu économique local. Faute de mise en concurrence des prestataires via des appels d’offres internationaux, elle coûte cher. Selon le CAD lui-même, elle générerait des surcoûts de l’ordre de 15 à 30 %.

Part de l’aide déliée dans l’APD bilatérale des pays membres du CAD*, en 2008, en %

Le déliement de l’aide est ainsi l’un des points clés de la Déclaration de Paris, adoptée en 2005 par les pays donateurs en vue d’en améliorer l’efficacité. Mais bien du chemin reste à faire : alors que le texte les y encourage, aucun objectif chiffré n’a été fixé. Et les recommandations du CAD en la matière excluent toujours les domaines importants que sont l’aide alimentaire et l’assistance technique.

Des progrès... sur le papier

Des progrès ont été réalisés néanmoins. En 2008, 87 % de l’aide bilatérale était déliée, contre 46 % en 1999-2001. Une moyenne qui cache de fortes disparités : si certains Etats avaient délié la totalité de leur aide, d’autres étaient nettement en-dessous de la moyenne du CAD, dont la France et surtout le principal pays donateur, les Etats-Unis (voir ci-contre). Délier davantage l’aide nécessitera de lever des verrous juridiques, donc d’affronter des lobbies économiques. Aux Etats-Unis en particulier, le Food for Peace Act impose que l’aide alimentaire provienne du territoire national et soit transportée sur des navires américains - ce qui interdit les achats locaux de céréales dans des pays pauvres excédentaires et leur acheminement vers des zones déficitaires.

Cependant, inscrire dans la loi le déliement total de l’aide ne suffira pas. Car même quand la concurrence est ouverte, ce sont de fait les entreprises des pays riches et, de plus en plus, celles de grands pays émergents (lire p. 39), qui continuent d’emporter la majorité des appels d’offres. Bien qu’aujourd’hui 87 % de l’aide bilatérale soit juridiquement déliée, le CAD souligne que 60 % des contrats sont de facto passés avec des entreprises du pays donateur 1. Celles-ci ont en effet un meilleur accès à l’information sur les appels d’offres et maîtrisent les procédures pour y répondre. Les donateurs imposent par ailleurs, pour les projets qu’ils financent, des critères que les entreprises du Sud sont rarement en mesure de remplir, comme pouvoir attester d’une longue expérience. Surtout, les appels d’offres représentent des opérations de trop grande taille par rapport aux capacités des entreprises locales, comme construire une route de plusieurs centaines de kilomètres ou imprimer des dizaines de milliers de manuels scolaires. Et les bailleurs, plutôt que de fractionner leurs appels d’offres en lots permettant à des patrons locaux d’y répondre, préfèrent par commodité avoir affaire à un seul et unique interlocuteur. Si de facto l’aide reste liée, ce n’est pas nécessairement que les donateurs cherchent à privilégier leurs propres entreprises : ils agissent surtout par souci d’efficacité. Mais une efficacité de court terme qui sape les efforts de développement à plus long terme.

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