Savons-nous tirer les leçons des catastrophes ? (Introduction au dossier)

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Par Yann Mens

Maisons bâties dans des zones inondables ou menacées par des glissements de terrain, systèmes de sécurité insuffisants sur des plates-formes pétrolières ou défaillants dans des usines chimiques, digues vieilles et mal entretenues, etc. Qu’elles soient provoquées à l’origine par la nature ou résultent de la seule action de l’homme, les catastrophes sont de terrifiants révélateurs des vulnérabilités de nos sociétés. Et notamment des déficiences de leurs systèmes politiques. Aux premiers jours des gigantesques inondations d’août dernier au Pakistan, des villageois refusaient de quitter leur maison menacée par les eaux parce qu’ils n’avaient pas confiance dans les autorités qui le leur conseillaient 1.

Une telle défiance vis-à-vis du gouvernement était antérieure à la tragédie, celle-ci n’a fait que la rendre palpable. De la même manière, les drames peuvent grossir encore les traits des pouvoirs les plus mal préparés à les affronter. En même temps que les inondations endeuillaient le Pakistan, d’impressionnants incendies ravageaient la Russie. Et le gouvernement de Vladimir Poutine ne trouvait rien de mieux à faire que d’imposer l’omerta sur la situation sanitaire réelle du pays, dévoilant à l’opinion publique l’envers inquiétant de sa mâle assurance. Mais les élans d’indignation que provoquent les catastrophes, - et tous les manquements qu’elles dévoilent - durent-ils ?

Passé le temps des secours d’urgence et des solennels " plus jamais ça ", le quotidien ne reprend-il pas vite ses droits et sa priorité ? Dans quelles conditions, nos sociétés savent-elles tirer, sur le long terme, les enseignements nécessaires pour éviter que d’autres tragédies se produisent ? Certes, il est préférable d’être riche pour se protéger au mieux des catastrophes, car la prévention a un coût que nombre de pays en développement peinent à supporter (lire p. 52). Mais la puissance de l’argent n’est pas une garantie suffisante, comme le prouvent les Etats-Unis, frappés, bien avant celle de Louisiane, par des marées noires de grande ampleur (lire p. 50).

Et si la démocratie peut aussi être un atout, son tempo électoral se prête mal aux travaux de prévention de longue haleine alors que de multiples autres défis se présentent au quotidien (lire l’entretien p. 57). Surtout, la délibération exige, pour aller au-delà d’une simple consultation de façade, que des citoyens soient assez nombreux à rester durablement mobilisés. Et qu’ils soient capables d’acquérir une expertise suffisante pour pouvoir réellement dialoguer avec les représentants de l’Etat comme avec ceux du secteur privé.

  • 1. Mariam Abou Zahab, Radio France Internationale, 11 août 2010.

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