France : le double circuit des cigarettes

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La grande majorité des cigarettes saisies sont fabriquées par des marques avant d'être diffusées par des trafiquants. La lutte contre la contrebande doit commencer surtout chez les cigarettiers.

Par Yann Mens

Surprise pour les douaniers français : les cigarettes étaient soigneusement cachées dans des boîtes de conserve serties. " Les trafiquants de tabac emploient des techniques de dissimulation sophistiquées qui auparavant étaient réservées aux cargaisons de drogue ", explique Gérard Schoen, sous-directeur des douanes, chargé de lutte contre la fraude. Les quantités saisies ont, il est vrai, augmenté depuis dix ans (voir ci-contre), révélant l’activisme des douanes, dotées désormais de scanners mobiles pour inspecter les camions. Mais aussi peut-être l’augmentation globale du tabac de contrebande circulant en France, volume mal connu. " En étudiant les paquets de cigarettes retrouvés dans les poubelles notamment, les cigarettiers ont estimé que la contrebande représentait entre 5 % et 15 % du marché global, mais ces indicateurs sont imprécis ", observe Gérard Schoen. Il est certain en revanche que le moteur de la contrebande est le prix et, notamment, la fiscalité élevée sur le tabac. Moins qu’en Grande-Bretagne toutefois, raison pour laquelle la France est aussi un important lieu de transit vers l’outre-Manche (un tiers des saisies).

Evolution des quantités saisies de 1999 à 2009
Cigarettes de marque et de contrefaçon sur le total des saisies

De l’usine au fumeur

Si la contrebande représente une perte pour le budget de l’Etat, le tabac est un bon investissement pour les trafiquants. Les douanes estiment que les 264 tonnes saisies en France valaient 61 millions d’euros en 2009. Mais dans l’organisation criminelle qui court de l’usine au fumeur, les intermédiaires sont nombreux. Notamment parce que les trafiquants doivent employer des trajets maritimes tortueux, exigeant une excellente maîtrise logistique, pour tromper les douanes qui savent que les principaux lieux de fabrication des cigarettes de contrefaçon se trouvent en Chine. La contrefaçon, sur laquelle les douanes mettent volontiers l’accent et qui inquiète les marques, ne représente cependant qu’un cinquième environ du tabac saisi (voir ci-contre). Le reste est fabriqué par les firmes ayant pignon sur rue. Convaincus que celles-ci vendaient sciemment leur production à des intermédiaires suspects, des Etats européens ont intenté en 2000, avec la Commission de Bruxelles, une action en justice contre plusieurs d’entre elles. Philip Morris International (PMI) a préféré conclure en 2004 un accord à l’amiable : PMI s’est engagé à payer 1,25 milliard de dollars sur douze ans pour financer la lutte contre la contrebande et à effectuer d’autres versements en cas de saisie de ses produits, afin de compenser les pertes fiscales. Pour l’instant, selon Gérard Schoen, les douanes n’ont pas réalisé de saisies entrant dans le cadre de l’accord. Le Trésor n’a donc pas touché de chèque. Mais les espoirs sont permis : d’autres fabricants (Japan Tobacco International, Imperial Tobacco) ont signé des accords comparables à celui de PMI.

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