Pollution atmosphérique : le marché noir des gaz réfrigérants fait son trou

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Bannis progressivement depuis 1987, des gaz à effet de serre font l'objet d'un commerce illégal au profit de l'industrie du froid. Un trafic organisé par des experts du secteur et qui s'adapte à l'entrée en vigueur progressive de la prohibition.

Par Amar Nafa

Est-ce la villa à 3 millions de dollars qui l’a trahi ou la voiture de luxe ? En tout cas, elles lui ont été confisquées et, surtout, Barry Himes a été condamné à six ans et demi de prison par un tribunal américain en 2002 pour importation illégale de 600 tonnes de CFC*. Ce gaz était largement utilisé dans l’industrie du froid (réfrigérateur, climatisation...) et de la propulsion (aérosols...) avant d’être peu à peu interdit par le protocole de Montréal (1987) pour son effet destructeur sur la couche d’ozone. L’interdiction a fait naître un vaste marché noir de CFC à l’échelle de la planète, notamment pour réparer le matériel réfrigérant existant. En 2000, les Nations unies l’estimaient entre 20 000 et 30 000 tonnes par an.

Pour permettre la transition technologique nécessaire, le texte de Montréal et ses protocoles additionnels instituaient une interdiction progressive, et de manière différenciée. Ainsi, les pays développés devaient réduire par palier la production et les importations de CFC à partir de 1989, pour les stopper totalement à partir du 1er janvier 1996. Pour les pays en développement, ces deux étapes étaient respectivement fixées à 2003 et au 1er janvier 2010. Un décalage qui, en autorisant certains à faire ce qui devenait interdit à d’autres, a favorisé les trafics.

Ce sont plutôt des experts dévoyés du secteur que des groupes criminels classiques qui se livrent à ce trafic. " Les personnes impliquées ont une réelle connaissance de l’industrie et ont exploité ses lacunes pour introduire ces substances aux Etats-Unis et en Europe, note Julian Newman, directeur des campagnes de l’Environmental Investigation Agency (EIA), une association spécialisée dans les délits environnementaux. Du côté chinois, des courtiers qui travaillaient sur d’autres produits se sont intéressés aux réfrigérants quand ils ont réalisé qu’ils pouvaient faire des profits rapides. " Un kilo de CFC-12 chinois acheté 1 dollar peut atteindre 16 dollars sur le marché britannique.

Grâce à des interdictions de plus en plus strictes, le commerce illégal a baissé dans les pays développés au début des années 2000. Mais, au fur et à mesure que l’interdiction devenait effective dans les pays en développement, il y a pris pied. Des cas sont apparus en Inde, en Thaïlande, au Pakistan, aux Philippines...

Aujourd’hui, l’interdiction totale est universelle, mais des CFC continuent de circuler : " Un stock existerait en Chine, observe Julian Newman, mais personne ne sait à quel point il est important. " Même s’il s’épuise, le marché noir des gaz réfrigérants risque de ne pas s’interrompre. Car, autre étape du protocole de Montréal, les HCFC** vont être interdits, une mesure qui est déjà entrée en vigueur dans les pays développés. " Aux Etats-Unis, il y a déjà eu des saisies de HCFC, pour environ 400 tonnes. Un nouveau marché illégal s’est installé là-bas ", met en garde Julian Newman.

* CFC

Chlorofluorocarbones.

** HCFC

Hydrochlorofluoro-carbones.

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