Géopolitique : que veulent les pays émergents ? (Introduction au dossier)

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Membres du G20 que la France préside pour un an, le Brésil, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud ont réussi à faire reconnaître la réalité de leur puissance nouvelle. Et ils sont capables de s'unir dans le domaine commercial, financier ou climatique pour empêcher l'Occident de faire prévaloir ses vues.

Par Yann Mens

Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud... Ces quatre-là sont désormais de tous les coups, ou presque. Membres du G20 (lire p. 52), ils sont aussi au centre des négociations sur le climat face aux Etats-Unis (lire p. 50), après avoir provoqué depuis 2003 le gel du cycle de Doha au sein de l’Organisation mondiale du commerce (lire p. 55).

Leur alliance pour autant n’est pas gravée dans le marbre. Les quatre grands du Sud réunissent leurs voix et leurs forces au gré des sujets, car leurs intérêts nationaux ne sont pas toujours convergents. La Chine notamment tient à son privilège d’être membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, titre auquel les trois autres aspirent mais que leurs rivaux régionaux contestent. Cette différence de statut, comme à un moindre degré celle qui les sépare en matière nucléaire (lire p. 53), n’empêche pas les quatre grands émergents de s’unir... pour empêcher justement. Et surtout bloquer des règles internationales lorsque collectivement elles ne leur conviennent pas, même si chacun a ses raisons de ne pas en vouloir. A défaut d’imposer leurs vues, ils ont au moins conquis le pouvoir de dire non dans des enceintes où, mondialisation oblige, se discutent des problèmes insolubles sans eux.

Pour légitimer leurs refus, ils avancent leur statut de pays en développement qui justifierait un traitement de faveur. Et surtout le droit de ne pas souscrire à des engagements aussi contraignants que les pays riches. L’argument exaspère de plus en plus les négociateurs occidentaux qui ont été obligés de transformer le G8 en G20 pour faire de la place à leur nouvelle puissance économique précisément ! Mais jusqu’à présent, il fait régulièrement mouche au sein du G172, appellation teintée d’ironie qui désigne tous les non-membres du G20. Dont les plus démunis. Non pas que ceux-ci se sentent vraiment représentés par les poids lourds du Sud qui se prétendent leurs champions, mais sans doute parce qu’ils partagent avec eux un souvenir toujours vif (la colonisation), un ressentiment plus ou moins exprimé (envers la domination occidentale) et, pour longtemps encore, une réalité sociale (un grand nombre de pauvres). Ces traits les réunissent d’autant plus que les Etats-Unis et l’Europe, qui appellent les quatre grands du Sud à devenir des " acteurs responsables " en échange de leur entrée dans les directoires des puissants de ce monde, ne prêchent guère par l’exemple. Que ce soit en matière de désarmement nucléaire, de régulation financière ou de lutte contre le changement climatique.

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