Régulation financière : halte à la pagaille sur les marchés

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Mieux représentés au sein du FMI et présents dans le G20, les pays émergents n'ont pas encore établi de stratégie commune en matière de finances mondiales mais leurs banques y jouent déjà un rôle croissant.

La crise de 2008 a montré qu’il fallait réformer le système financier mondial. Des mesures doivent être prises pour stabiliser les marchés, accroître la régulation et restructurer des institutions, comme le Fonds monétaire international (FMI). Et le G20, qui regroupe désormais les leaders des grands pays développés et émergents, joue un rôle central en la matière, comme l’ont montré les sommets de Londres (2008), de Pittsburgh (2009), de Toronto et de Séoul (2010). Pourtant, en dépit de la volonté affichée par ses membres de coordonner leur action pour une croissance durable et équilibrée ou une réforme du secteur financier, les priorités des pays développés et des grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud...) restent assez différentes. Si les positions des premiers sont relativement bien connues, les seconds ont moins eu l’occasion de faire connaître les leurs. La Chine cependant a souligné que le déclenchement de la crise et sa diffusion dans toute l’économie avaient posé, avec une acuité renouvelée, la question du type de monnaie de réserve internationale dont le monde a besoin pour garantir la stabilité financière mondiale et faciliter la croissance, l’un des objectifs qui avait pourtant justifié la création du FMI en 1944. Un FMI au sein duquel justement les pays émergents vont pouvoir peser davantage.

Le G20, réuni en Corée en novembre dernier, a en effet décidé une modification des droits de vote respectifs au sein du Fonds : 6 % des quote-parts vont passer des mains des pays développés à celle des pays émergents. La Chine, qui détenait 3,65 %, en aura désormais 6,19 %, ce qui lui permettra de se hisser à la troisième position derrière les Etats-Unis (17,67 %) et le Japon, mais devant le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne. L’augmentation de la quote-part de l’Inde sera plus modeste (2,75 % contre 2,44 %), mais elle passera à la huitième position, devant l’Arabie saoudite, la Russie et le Canada. L’Inde justement, par la voix du gouverneur de sa Banque centrale, a souligné à quel point le choc de 2008 avait révélé la carence des systèmes de régulation financière. De fait, des défaillances majeures, telles que des normes insuffisantes de capital et de liquidité, ou des modes de rémunération récompensant la prise de risque à court terme, ainsi que les écarts dans les modes de régulation entre pays, sont quelques-unes des causes de la crise. Des produits financiers opaques n’ont pas été repérés à cause de manipulations comptables qui en ont dissimulé les dangers.

Les sommets du G20 ont débattu de ces questions. Et la régulation financière fait désormais partie de l’agenda international, mais c’est encore un domaine d’action très récent. Il est nécessaire de donner une plus grande légitimité aux institutions qui fixent les principales normes en la matière, comme le Comité de Bâle et l’International Accounting Standards Board (IASB). Divers facteurs pourtant risquent de compliquer les projets de régulation. Notamment parce que le monde financier devient multipolaire, son centre de gravité se déplaçant vers l’Est. Certains éléments montrent que la part des banques des pays émergents dans la capitalisation boursière augmente. Par ailleurs, les flux mondiaux de capitaux ont chuté pendant la crise et doivent encore retrouver leur niveau précédent, ce qui incite les pays émergents à fonder leurs perspectives économiques sur le marché intérieur.

Les actions en faveur de la régulation financière internationale devront se concentrer sur quatre domaines clés. En premier lieu, il est nécessaire d’adopter le principe de subsidiarité et de ne faire au niveau international que ce qui ne peut pas être fait au niveau national. En deuxième lieu, la coordination volontaire a ses limites quand il s’agit d’établir des normes, les membres du G20 devraient donc tenter de mettre sur pied des institutions publiques plus fortes. En troisième lieu, un partage d’information entre régulateurs est essentiel pour prévenir une désintégration financière. Enfin, les Etats-Unis et l’Europe étant essentiellement mobilisés par la gestion de la crise au niveau national, il risque d’y avoir un manque de leadership sur la scène internationale, et les pays émergents devraient prendre l’initiative pour combattre les menaces de protectionnisme financier.

De plus en plus d’observateurs craignent que la crise ne soit pas réellement mise à profit pour réformer vraiment la régulation financière. Des fonds publics ont été utilisés pour éviter que les banques ne fassent faillite, mais ensuite toute tentative de réforme s’est heurtée à un intense lobbying des mêmes banques, et de certains Etats (Australie, Canada), pour lier les mains des régulateurs dont l’action était présentée comme une menace pour les profits de ces établissements. La grande réforme Dodd-Franck adoptée aux Etats-Unis l’été dernier et la récente législation de l’Union européenne sur le secteur financier ne sont pas à même d’empêcher une nouvelle crise dans la prochaine décennie. Et bien que les bonus scandaleux accordés aux banquiers aient été l’objet de nombreux débats, quasiment aucune régulation encadrant les rémunérations pour prise de risque excessive n’a été prise.

Le G20 a fait naître l’espoir qu’une action mondiale coordonnée se mette en place en matière de régulation financière, mais jusqu’à présent les efforts des différents acteurs concernés (Congrès américain, Union européenne...) ont été très limités. Le lobby bancaire reste puissant. Et de grands établissements, notamment au Royaume-Uni, ont menacé de transférer leur siège dans des pays où leurs activités ne seraient pas limitées. Les membres du G20 pourraient ici jouer un rôle en se mettant d’accord pour qu’aucun d’entre eux n’accepte de tels transferts.

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