La France a-t-elle encore une influence ? (introduction au dossier)

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Partagée entre la nostalgie de sa gloire passée et l'angoisse du déclin face à l'émergence de nouveaux concurrents, bousculée par une mondialisation qu'elle voudrait réguler et un environnement européen où ses atouts classiques ont perdu de la valeur, la France a du mal à trouver sa voix dans un monde où on ne l'attend plus.

Par Yann Mens

Un point ardent dans la géographie du monde. " C’est par une formule poétique que François Fillon définissait la place de la France sur la scène internationale, le 24 novembre dernier devant l’Assemblée nationale. Poétique, mais vague. Charles de Gaulle était plus ambitieux qui déclarait tout de go fin 1967 : " Notre action vise à atteindre des buts qui, parce qu’ils sont français, répondent à l’intérêt des hommes. " Et François Mitterrand n’y allait pas non plus de main morte en évoquant " cet indéfinissable génie qui permet à la France de concevoir et d’exprimer les besoins profonds de l’esprit humain ." 1 Ce sentiment de ne pas être un pays comme les autres, d’avoir un message à délivrer au monde qui attendrait sa parole éclairante depuis 1789 au moins, reste présent dans l’inconscient des responsables politiques. Mais il se conjugue, plus encore sans doute que durant les précédentes décennies, avec l’angoisse du déclin, nourrie par des pronostiqueurs sombres. La France aurait moins bien que d’autres pris le train de la mondialisation. Elle n’aurait plus les moyens de ses desseins. D’ailleurs, on ne sait plus la qualifier. " Grande puissance " ? Plus vraiment... " Puissance moyenne " ? Tout de même pas, car elle garde de beaux atouts : le cinquième produit intérieur brut du monde, son arme nucléaire, son siège permanent au Conseil de sécurité, la diffusion de sa langue...

Un pays ordinaire

L’expression de " puissance intermédiaire " fait donc florès. Intermédiaire entre le gros du peloton mondial dont elle se distingue par ses beaux restes et le groupe de tête, toujours emmené par les Etats-Unis mais qu’entendent rejoindre de grands pays émergents. Intermédiaire aussi parce qu’en raison de son parcours historique, elle serait bien placée pour jouer les truchements avisés entre Nord et Sud, Occident et Orient. Voire... Les Tunisiens, par exemple, auront ces temps-ci du mal à y croire. Reste, comme l’écrit Frédéric Charillon, que la France désormais compte plus " sur sa capacité à formuler les enjeux, à imaginer de nouvelles règles et à dire la réalité du monde " que sur les ressorts classiques de sa puissance 2. Une capacité, poursuit l’auteur, qui exige qu’elle articule son action avec celle de ses voisins européens. Las, l’Union n’est pas au mieux de sa forme et Paris peine à trouver la juste distance avec une Allemagne réunifiée qui teste son propre poids. Surtout, comme le montre Nicolas Sarkozy avec une regrettable constance, la France reste mal à l’aise dans le jeu collectif qui, par définition, ne braque pas d’abord les projecteurs sur elle. Tant qu’elle ne se sera pas résignée à être un pays ordinaire, un pair parmi les autres, tout singulier et doté qu’il soit, la France aura pourtant du mal à faire entendre sa voix dans un monde où, quoique lui disent les flatteurs, on ne l’attend plus beaucoup.

  • 1. Cités par Alfred Grosser, in Qu’est ce qu’être français ?, ouvrage collectif, Hermann, 2009.
  • 2. La France peut-elle encore agir sur le monde ?, Armand Colin, 2010.

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