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Santé mentale : quelle prise en charge au Sud ? (introduction au dossier)

2 min

Que leur pathologie soit liée à des facteurs socio-économiques ou plutôt d'origine biologique, les malades se trouvent souvent livrés à eux-mêmes dans les pays du Sud, où la lutte contre les troubles mentaux ne mobilise guère de fonds et de volonté. Leur prise en charge, là où elle existe, est surtout le fait d'associations.

Par Yann Mens

Des malades hagards livrés à eux-mêmes et vivant à la rue. D’autres enfermés dans des cages parce qu’ils font peur. D’autres encore croupissant aux tréfonds d’asiles surpeuplés ou dans des prisons aux allures de mouroir... La maladie mentale est le parent pauvre des programmes de santé dans les pays du Sud. Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), on compte 0,05 psychiatre et 0,16 infirmier spécialisé pour 100 000 habitants dans les pays à faible revenu alors qu’il y en a deux cents fois plus dans les pays à revenu élevé.

Les statistiques, en cette matière comme dans d’autres, doivent être maniées avec prudence. Et par ailleurs, la situation n’est guère reluisante dans les pays riches, à commencer par les Etats-Unis et la France, où de nombreux malades mentaux se retrouvent aussi en prison par exemple. Il n’empêche : 1 % à 2 % seulement de l’ensemble des dépenses de santé sont consacrés à la santé mentale dans les pays en développement, contre 10 % dans les pays riches 1.

Malades stigmatisés

Un peu partout bien sûr, des associations locales et étrangères tentent de pallier les carences de la puissance publique au Sud, que ce soit dans le dépistage comme au Cambodge (lire p. 69), dans l’aide aux autistes au Liban (lire p. 71) ou aux victimes de la guerre au Burundi (lire p. 68), ou encore dans la prévention du suicide en Inde (lire p. 72). Mais il est difficile de réunir les financements nécessaires car la santé mentale n’est pas un sujet " vendeur " à l’heure des collectes de fonds. Elle n’a jamais bénéficié d’une mobilisation comparable à celle qu’a suscitée la lutte contre le sida ou le paludisme. La faiblesse des moyens peut-elle être compensée par le recours à des méthodes spécifiques, en employant des personnels d’une moindre qualification par exemple, puisque les psychiatres et autres spécialistes sont rares et chers ? Sans doute, mais pour certains types de maladies seulement (lire p.74). De même, s’il est possible, voire indispensable dans certains cas, que des guérisseurs traditionnels soient associés à la prise en charge des malades, c’est souvent en coopération avec d’autres praticiens que leur intervention apparaît la plus efficace (lire p. 70). Et avant tout pour faire disparaître les stigmates qui, dans de trop nombreuses sociétés, restent attachés à la maladie mentale.

  • 1. " Global Mental Health: a Failure of Humanity ", Arthur Kleinman, The Lancet, 22 août 2009.
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