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Burundi : rien pour les victimes de la folie guerrière

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L'accalmie que connaît le pays favorise l'expression de troubles psychologiques liés à une guerre civile dont l'impact reste vivace. Le directeur de l'unique centre de soins psychiatriques souligne le besoin urgent de formation et de moyens.

Le Burundi a vécu plusieurs années de guerre civile, des massacres interethniques terribles entre les Hutus, l’ethnie majoritaire, et la minorité tutsie. Aujourd’hui, après des élections à l’été 2010, une relative accalmie règne. Mais le conflit a laissé des séquelles profondes dans ce pays de près de 10 millions d’habitants. Dans les rues de Bujumbura, la capitale, ou dans les villages de l’intérieur du pays, il est fréquent de rencontrer des victimes de la guerre. Des " fous " comme on dit ici. Lorsqu’ils ne sont pas agressifs, ils sont ignorés.

Combien le Burundi compte-t-il de psychiatres ? Le frère Hippolyte Manirakiza, directeur du CNPK, l’unique centre neuropsychiatrique du pays, basé à Kamenge, est affligé : " Deux seulement ! " Géré par des Frères de la Charité, le centre est financé par quelques dons et une maigre subvention étatique. A l’origine, l’établissement fut conçu pour accueillir une soixantaine de malades. Or " nous avons chaque mois 150 patients hospitalisés - pour une capacité de cent lits -, plus une quarantaine en ambulatoire ", explique le directeur.

Au Burundi, les malades qui restent dans leur famille reçoivent des traitements traditionnels, car la " folie " est ici attribuée à des jeteurs de sort ou aux " ibinyamwonga " (esprits malfaisants des vallées). Abandonnés à eux-mêmes, parfois enfermés s’ils sont violents, la plupart d’entre eux végètent dans l’arrière-cour des maisons.

Aucun suivi

Au centre de Kamenge, les Frères de la Charité se débrouillent comme ils peuvent. Certains des malades sont envoyés par des médecins, d’autres par les familles. Avec, toujours, la question cruciale de la pauvreté : " Les malades sont souvent des indigents ", raconte le directeur. Or, soigner une maladie mentale demande du temps et des médicaments. " Il faut compter au moins 35 000 francs burundais par mois ", estime le frère Hippolyte. Soit environ 20 euros : une somme hors de portée de la plupart des Burundais. L’autre problème récurrent, c’est le suivi des malades. " Les voyages vers Bujumbura coûtent cher et souvent, nous n’avons plus de nouvelles des patients lorsqu’ils retournent chez eux ", précise-t-il.

Absence de l’état

Les autorités burundaises ont bien mis en place des stratégies pour lutter contre certaines maladies, comme le sida, la tuberculose, le paludisme... mais rien pour les maladies mentales. " Au ministère de la santé, il n’y a pas de stratégie claire qui montre comment les malades mentaux peuvent être pris en charge ", observe le directeur du CNPK. Il estime qu’il faudrait sans attendre envoyer des médecins et des infirmiers en formation à l’étranger, et intégrer ensuite dans chaque hôpital de province un service de prise en charge de base des malades mentaux. Pensif, le frère Hippolyte dresse un terrible un constat : " Pendant la guerre, on ne songe qu’à survivre. Avec l’accalmie, les gens commencent à penser à ce qu’ils ont vécu. Les effets de la guerre viennent à retardement en réalité. C’est avec la paix que les séquelles de la guerre refont surface ".

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