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Sénégal : le bio contre l’exode rural

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" Retrouvons notre terre, elle nous nourrira ! " Pour casser la dépendance des paysans à la monoculture et aux pesticides, un ancien professeur d'histoire-géographie, Gora Ndiaye, a monté une ferme-école. Avec pour ambitions de former les jeunes au maraîchage bio et de redonner le goût de la terre.

A une centaine de kilomètres au sud de Dakar, la région du Sine-Saloum est aride. Ici, les paysans cultivent à 80 % du mil et de l’arachide. Difficile de faire pousser autre chose.

Pourtant, dans le village de Samba Dia, on découvre une véritable oasis derrière des murs blancs. Des dizaines d’espèces de fruits et légumes poussent sous des rangées de cocotiers, plantés pour enrichir la terre : haricots, courgettes, fraises... Rien que du " bio ". Nous sommes dans la ferme-école de Kaydara 1 (" Viens à l’école de la vie ", en wolof). Gora Ndiaye, le directeur quinquagénaire, raconte l’histoire de sa structure, unique au Sénégal. " Les paysans dépendent de l’arachide et ont du mal à être payés par les opérateurs, sans compter les périodes de sécheresse. Nous nous sommes tournés vers l’agriculture vivrière bio pour diversifier les cultures et restaurer les terres maltraitées par la déforestation. " En 2003, Gora Ndiaye a créé la ferme-école avec ses deniers. Trois ONG (Peuples solidaires, Association pour le développement de l’éducation au Sénégal (Ades), Monde solidaire) l’ont rapidement aidé, de même que la région Bretagne, les comités d’entreprise d’Ifremer et de Thalès.

L’attrait des cocotiers

Pour Gora Ndiaye, le maraîchage bio est le meilleur moyen d’éviter l’exode des jeunes vers Dakar ou l’Europe, dans un pays où le chômage touche 40 % de la population. Le maraîchage rapporte deux fois plus que la culture du mil et de l’arachide. Pendant les trois ans de sa formation, chaque élève reçoit une parcelle à cultiver au sein de la ferme. Les fruits et légumes récoltés sont consommés ou vendus aux hôtels et restaurants de cette région en plein essor touristique. Au départ, les gens prenaient Gora Ndiaye pour un doux dingue. " Il est difficile de faire sortir de la tête des paysans l’idée qu’on peut se passer de pesticides et d’engrais industriels. Ils craignent de se lancer dans une agriculture qu’ils ne connaissent pas. " Peur de rater leurs premières récoltes maraîchères tout en perdant une année de production d’arachide.

Mais à force les villageois ont fini par y croire ; le chef du village a déjà planté des cocotiers. Tous observent la réussite de huit diplômés qui cultivent leur parcelle hors de l’école. D’autres attendent encore de trouver des terres. Baye Zane, diplômé de 24 ans, travaille depuis mi-février sur son jardin de 1 ha. Il est aidé par Damien Grégoire et son association Sénégal O Développement. Cette dernière, composée de trois étudiants nantais en coopération internationale, accompagne l’installation de cinq jeunes. Elle a fourni un âne et du matériel. " Nous voulions intégrer une structure créée et gérée par des Sénégalais, précise Damien Grégoire. L’important, c’est de prouver que tu travailles autant qu’eux, pour se libérer de l’étiquette du Toubab (" Blanc ") qui finance et donne des ordres. " Gora Ndiaye est heureux d’accueillir ces Nantais, mais il regrette que " les grandes ONG sénégalaises d’agro-écologie ne nous donnent pas de matériel et que les villages ne nous mettent pas des terres à disposition. " Fin mars, des sénateurs sont venus de Dakar saluer son initiative en apportant un peu de matériel. La délégation a promis de multiplier les fermes-écoles dans le pays, mais Gora Ndiaye n’y croit pas vraiment.

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