Birmanie : Thein Sein, un réformateur en trompe-l’oeil

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Premier président civil de Birmanie depuis 50 ans, Thein Sein semble, vu d'Occident, rendre une part de liberté à son peuple. Pourtant, il reste bel et bien le pantin docile de la junte militaire, toujours à la manoeuvre malgré sa dissolution.

Les médias internationaux en ont fait le " Gorbatchev birman ". Certains chercheurs occidentaux suggèrent même qu’il a pris l’ascendant sur le vieil homme fort de la junte militaire, le général Than Shwe, qui a dirigé le pays entre 1992 et 2011. Beaucoup d’événements inattendus, il est vrai, ont eu lieu depuis que Thein Sein est devenu président de Birmanie (le Myanmar, selon son nom officiel) en mars 2011. Des centaines de prisonniers politiques ont été libérés, la censure a été assouplie, Aung San Suu Kyi se présente à une élection partielle le 1er avril...

Et pourtant, ce virage vise d’abord à garantir la survie d’un régime dominé par l’armée. " Thein Sein n’est pas réellement aux commandes. D’autres, plus puissants, se trouvent derrière lui ", estime un ancien responsable des services de renseignement birman. Né en 1945, l’actuel président sort de la prestigieuse Académie de défense en 1968, soit six ans après le coup d’État du général Ne Win qui amène l’armée au pouvoir. Dans les années 1970 et 1980, Thein Sein prend part aux combats contre le Parti communiste birman, alors soutenu par la Chine, laquelle est devenue depuis la fin des années 1980 le principal soutien du régime birman. En 2007, Than Shwe choisit Thein Sein comme premier ministre. Trois ans plus tard, celui-ci est désigné chef de l’État par le Parlement, élu fin 2010 lors d’un scrutin contrôlé par la junte.

Un bon petit soldat

Ses collègues de l’armée attribuent à Thein Sein deux qualités qui expliquent son ascension : la loyauté et l’obéissance. Il ne s’oppose jamais à ses supérieurs, ne prend pas d’initiatives propres. Le président entretient d’ailleurs les mêmes fréquentations que ses prédécesseurs. Lors d’une rencontre officielle en août dernier avec une délégation venue de Pyongyang, il notait " avec grand intérêt que le peuple coréen avait fait de considérables avancées dans le renforcement de ses capacités militaires et de son appareil économique sous le leadership avisé de Kim Jong Il ".

En réalité, le dilemme du régime birman aujourd’hui, c’est que le pays est devenu trop dépendant de son allié chinois. Une conséquence directe de l’isolement que lui a imposé l’Occident depuis que la junte a massacré en 1988 des milliers de ses concitoyens qui réclamaient la démocratie et annulé les élections de 1990, remportées par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi. Dès 2003, les militaires birmans ont élaboré un plan visant à améliorer leurs relations avec l’Occident, et surtout les États-Unis. Pour cela, il a fallu libéraliser un peu le régime et substituer à Than Shwe un personnage plus acceptable. Mais en dépit des mesures récentes, aucun changement structurel n’a eu lieu. Les lois sur la censure restent en vigueur. Les charges contre les prisonniers récemment libérés n’ont pas été levées, ils peuvent donc être de nouveau arrêtés à tout moment. La Constitution de 2008, enfin, garantit le rôle dominant des militaires dans la direction du pays.

Zoom Thein Sein : repères biographiques
1945

Naissance en Birmanie

2007

Premier ministre de la junte militaire

2011

Désigné président à l’issue d’élections truquées

2012

Promet des élections législatives partielles

Than Shwe et les autres " vieux " généraux (Maung Aye, Shwe Man) ont parfois pris leur retraite, mais ils font toujours partie du paysage. Et s’ils ne prennent plus les décisions au jour le jour, ils sont consultés dès qu’un sujet important est en jeu. Ainsi, lorsque Aung San Suu Kyi s’est rendue en décembre dernier dans la capitale pour y enregistrer officiellement la LND, Thein Sein a voulu se faire un peu de publicité en la rencontrant à nouveau, après leur entrevue d’août. Than Shwe lui a dit de ne pas le faire, estimant que cela cautionnerait l’opposition. Et Thein Sein a obéi.

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