François Hollande : des idées... pour l’Europe

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En quête de stature internationale, le candidat socialiste fait d'une renégociation des récents traités européens son cheval de bataille diplomatique. Pour le reste, François Hollande ne formule pas de propositions originales. Au nom de la prudence et de la stabilité.

Par Yann Mens

Sur CV, ce n’est pas sa matière forte. François Hollande a fait l’essentiel de sa carrière entre Paris et Tulle. Et s’il a prouvé d’indéniables talents de négociateur, c’est au milieu des courants de la rue de Solférino, pas dans les enceintes diplomatiques faute d’avoir été ministre. A son grand dam, d’ailleurs 1.

La politique étrangère, cet ancien Deloriste n’y a touché que d’assez loin pour l’instant. Certes, il a mené la liste du Parti socialiste (PS) aux élections européennes de 1999, mais il a démissionné au bout de six mois du Parlement de Strasbourg pour garder son siège corrézien. Sa principale expérience du vaste monde, il la doit à ses rencontres en tant que Premier secrétaire du PS, et notamment au sein de l’Internationale socialiste (IS) dont il a été vice-président de 1999 à 2008. Un mandat jugé sévèrement par Ségolène Royal lorsqu’elle y reprend le flambeau en 2009...

François Hollande se plaît à rappeler, cependant, que sous sa férule, dès le début des années 2000, le PS a rompu toute relation avec le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) du tunisien Ben Ali, et demandé (sans succès) sa mise à l’écart de l’IS. Ou que dès 2004, il jugeait " infréquentable " un Laurent Gbagbo que d’autres dirigeants du PS ont soutenu jusqu’en 2010. Comme Jack Lang par exemple, qui aujourd’hui, avec Laurent Fabius et Martine Aubry, joue les missi dominici (les représentants) du candidat Hollande dans les capitales étrangères.

A défaut d’afficher une expérience internationale face à un Nicolas Sarkozy qui se fait interviewer aux côtés de Barack Obama et soutenir par Angela Merkel, François Hollande se présente en homme pondéré et constant, à l’opposé de l’actuel président.

Le changement a ses limites

Ce choix de forme, et peut-être aussi le nombre élevé de diplomates dans son cercle d’experts, le pousse à une grande prudence sur de nombreux sujets, voire au légitimisme. Pour l’Europe, il se montre plus volontariste. Mais pas sur la question turque où il demeure circonspect, tout en votant la pénalisation de la négation du génocide arménien.

Pragmatique, François Hollande veut l’être concernant l’OTAN. Il ne remettra pas en cause la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’Alliance, décidée par Nicolas Sarkozy en 2009 et que des experts du PS avaient fort critiquée. Tout redéfaire n’en vaut pas la chandelle, juge le candidat socialiste, tandis que Jean-Luc Mélenchon appelle à un retrait de l’OTAN. Pour autant, le candidat du PS souhaite que l’Alliance " retrouve sa vocation initiale : la préparation de la sécurité collective ". Autrement dit, qu’elle s’occupe de la défense de son territoire. Et moins de théâtres lointains, comme l’Afghanistan, dont il veut retirer les troupes fin 2012, un an avant la date fixée par Nicolas Sarkozy. Sans doute, mais quid d’une guerre comme celle de Libye que le PS a approuvée ? En matière d’interventions extérieures, la doctrine hollandienne ne semble pas arrêtée. Sur l’Iran, il parle de sanctions renouvelées. Et sur la Syrie, " d’accès humanitaire " alors que le Conseil national syrien envisage désormais l’option d’une intervention militaire.

" Génie français "

Légitimiste, le candidat socialiste l’est surtout dès que l’on touche à l’image de grande puissance que la France continue d’afficher 2. Et il manie facilement l’emphase en parlant du pays (" Français, parce que c’est le plus beau nom qu’on puisse donner à un citoyen du monde... ", a-t-il déclaré lors de son discours au Bourget, le 22 janvier).

Contrairement à ce que prévoyait l’accord de novembre dernier entre le PS et Europe Ecologie-Les Verts, l’activisme en faveur d’un siège commun pour l’Union européenne au Conseil de sécurité et surtout de la suppression du droit de veto des cinq membres permanents est renvoyé à des horizons improbables. (" Je plaiderai pour une réforme de l’ONU, notamment l’élargissement du Conseil de sécurité, au sein duquel la France gardera son siège et son droit de veto "). Idem sur le nucléaire militaire : la France a un privilège gravé dans le droit international, elle le conserve.

Téméraire, François Hollande l’est en revanche face à la Chine (" Je n’accepterai pas que la monnaie chinoise soit encore inconvertible... ", Le Bourget). En visite récemment à Pékin, Laurent Fabius n’a pu rencontrer aucun haut dirigeant chinois. Coïncidence ?

Sur le dossier proche-oriental, le candidat socialiste est volontariste avec modération : la France reconnaîtra l’État palestinien si Mahmoud Abbas en fait à nouveau la requête auprès de l’ONU.

Mais c’est sur le terrain européen que le candidat socialiste veut afficher sa résolution. Sans aller comme Eva Joly, qui parle sans fard de fédéralisme, jusqu’à proposer un nouveau processus constituant. François Hollande a été traumatisé par le référendum de 2005 pour lequel il avait appelé à voter " oui ", contrairement à Laurent Fabius notamment.

En revanche, il veut renégocier le Traité sur la discipline budgétaire, issu de l’accord du 9 décembre 2011. Ce qui revient à ne pas soumettre le texte en l’état à la ratification par le Parlement, puisque Nicolas Sarkozy l’aura signé avant la présidentielle. Le candidat socialiste prend grand soin de préciser qu’il tient à des règles de discipline budgétaire, qu’elles sont une condition nécessaire à la santé de l’Union. Et surtout, au redressement de la France qui doit être financièrement assainie pour peser dans le monde.

Mais cette condition ne sera remplie que si la croissance est stimulée. Or, à ses yeux, le Traité prévoit uniquement une politique d’austérité, ce qui étouffe tout redémarrage de la machine économique. François Hollande veut intégrer au Traité des stimulateurs de croissance (coordination des politiques économiques, projets industriels, grands travaux...), assortis notamment d’euro-obligations. Et que ces dispositions soient de nature juridique comparable à celles qui concernent la discipline budgétaire. Mais avec quels alliés l’obtenir ? Angela Merkel a dû renoncer à certains de ses dogmes face aux réalités de la crise, mais il est peu probable qu’elle soit prête à céder plus...

Avec qui réformer l’Europe ?

François Hollande affiche deux convictions. La première, c’est que le suffrage des Français lui donnerait une légitimité telle que cela modifierait considérablement la donne européenne. Mais est-il sûr que les autres gouvernements, du Nord notamment, soient si impressionnables ? Sa deuxième conviction, c’est qu’une rébellion gronde dans certains États membres contre la rigueur imposée par le couple Merkozy (" Beaucoup en Europe, et pas simplement dans les partis progressistes attendent notre victoire ", Rouen, le 15 février). Et que si Paris prend leur tête, Berlin devra céder.

Reste à savoir si le candidat a bien fait le comptage de son équipe virtuelle. La donne changerait si les sociaux-démocrates allemands, qui soutiennent une renégociation, remportaient les législatives... de l’automne 2013. Mais d’ici là, il faudra vivre avec Angela Merkel. La renégociation du Traité serait donc le premier pari tactique du président Hollande. Un premier pas risqué sur un terrain international qu’à bien des égards, il découvre.

  • 1. François Hollande, itinéraire secret, par Serge Raffy, Fayard, 2011, 195 p.
  • 2. La France a-t-elle encore une influence ? Alternatives Internationales, n°50, mars 2011

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