Irlande :l’appel de Londres

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Architectes, ingénieurs ou communicants au chômage, les jeunes Irlandais n'hésitent pas à prendre le large, direction Londres. Là-bas, ils rejoignent une importante diaspora, qui leur offre réseau professionnel et solidarité quotidienne.

" Je ne voulais pas partir. J’avais ma petite amie à Dublin et un appartement. Mais je n’ai pas eu le choix. " L’histoire

d’Evin Power est presque banale désormais. Irlandais, âgé de 29 ans, il fait partie des dizaines de milliers de jeunes de son pays à avoir émigré, chassés par la crise.

En 2008, cet architecte a perdu son emploi. L’énorme bulle immobilière irlandaise a éclaté, et en deux mois catastrophiques, le cabinet pour lequel il travaillait à Dublin a perdu l’essentiel de ses commandes et a dû mettre la moitié de ses employés à la porte. Après neuf mois de chômage, Evin Power a retrouvé un emploi, mais à Londres. " J’ai eu ce job grâce à un ami qui m’a recommandé. " Il ne voulait pas quitter l’Irlande, mais il n’y a simplement plus d’emploi dans son domaine.

Avec la violente crise qui l’a secouée - le PIB a chuté de 12,6 % de 2007 à 2010, avant de se stabiliser en 2011 - l’Irlande renoue donc avec une vieille tradition : l’émigration. Que ce soit pendant la famine du XIXe siècle, ou les grandes crises des années 1950 et des années 1980, les Irlandais sont toujours allés chercher du travail à l’étranger. Depuis 2009, ça recommence : les départs d’Irlande dépassent de nouveau les arrivées. Et la tendance s’accélère : d’avril 2010 à mars 2011, 40 200 Irlandais ont quitté leur pays, soit une hausse de 45 % par rapport à l’année précédente.

Même crise, moins de chômage

Où partent-ils ? Le Royaume-Uni, et surtout Londres, est l’une de leurs destinations favorites, accueillant 40 % des émigrants : en 2010-2011, 16 000 Irlandais ont demandé un numéro de sécurité sociale au Royaume-Uni, nécessaire pour y travailler, soit une hausse de 56 % par rapport à la période précédente.

Pourquoi choisir la capitale britannique, alors que la crise y est également sérieuse ? D’abord parce que le ralentissement économique y est moins fort : le taux de chômage irlandais dépasse 14 %, contre environ 8,5 % côté britannique. La proximité, la langue commune, et surtout le réseau d’Irlandais déjà présents, font le reste. Sarah Ryan, dynamique chargée de communication, en sait quelque chose. Installée à Londres en 2010, elle a trouvé un emploi grâce à un ex-collègue. " J’ai téléphoné à mon ancien patron, actuellement à Londres, pour savoir s’il avait entendu parler d’un emploi autour de lui. Il s’est trouvé qu’il y avait une place dans son entreprise. Les Irlandais fonctionnent par réseau. " Il existe ainsi une bonne dizaine d’associations irlandaises à Londres, dont plusieurs tournées vers des objectifs professionnels.

Au centre irlandais de Londres, qui fournit de l’aide aux compatriotes dans le besoin, le travail a changé ces dernières années. " Il y a deux ans, nous aidions essentiellement des personnes âgées, explique Jeff Moore, son directeur des affaires sociales. Aujourd’hui, les jeunes sont très nombreux. " Pour autant, il souligne que la vague irlandaise actuelle n’est pas dans une situation misérable. Contrairement aux émigrés des années 1980, il s’agit de gens diplômés et plutôt de haut niveau. Pas question cette fois-ci de faire le terrassier sur les routes britanniques. De fait, les nouveaux venus se retrouvent dans la finance, la communication ou les nouvelles technologies. " Passée l’installation initiale qui peut être difficile, les jeunes immigrés se débrouillent très bien eux-mêmes ", précise Jeff Moore. Les années euphoriques du " Tigre Celtique " auront au moins servi à cela : en une génération, les Irlandais ont profondément amélioré leurs conditions d’expatriation.

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