Opinion

Une seule solution, l’unification !

3 min
Rony Brauman Ancien président de Médecins sans frontières

Voilà plus de vingt ans que des rencontres, des discussions, des négociations ont lieu entre Palestiniens et Israéliens sous l’égide des États-Unis. En dépit de ce " processus de paix ", selon l’appellation consacrée, le nombre de colons juifs en Cisjordanie a triplé depuis les accords d’Oslo de 1993 pour atteindre 600 000, la municipalité de Jérusalem s’est étendue au profit de sa population juive, un mur dévastateur a été construit au-delà de la ligne verte en guise de démarcation, sans empêcher la création de nouvelles implantations du côté palestinien de cette simili-frontière. La guerre intrapalestinienne, comme les attentats dirigés contre les civils israéliens et la seconde Intifada, n’ont fait qu’aggraver la situation. Quant à l’alliance entre la droite et l’extrême-droite au pouvoir à Jérusalem, elle bat des records de popularité et entend poursuivre dans la même direction.

Que signifient, dans de telles conditions, les appels répétés à la création d’un État palestinien ? Rien de plus qu’un rituel diplomatique vidé de son sens par la réalité du terrain. Comme le remarque ironiquement Diana Butto, une ex-conseillère juridique des négociateurs palestiniens, les partisans de la solution à " deux États " attendent, pour sortir de l’impasse, le bon alignement des planètes : un parfait premier ministre israélien, un parfait président américain et un parfait leader palestinien 1. Pour Diana Butto, comme pour un nombre croissant mais il est vrai minoritaire de Palestiniens, c’est le modèle même qu’il faut revoir, celui de l’impossible partition d’une terre qui n’a jamais été divisée selon des critères ethniques ou confessionnels. À leurs yeux, la reconnaissance de droits égaux passe avant l’obtention d’un État introuvable.

De fait, il n’existe qu’un État souverain sur le territoire de la Palestine historique, mais deux systèmes juridiques accordant à certains ce qui est refusé à d’autres selon une division ethnico-religieuse. Qu’on l’appelle apartheid ou état d’exception permanent, ce régime de diktat fait d’Israël une république coloniale. Peut-être une partition aurait-elle été possible à la suite de la victoire de 1967, dans le cadre d’une négociation " Paix contre territoires ". Certains en doutent, d’autres regrettent cette occasion manquée. Quoi qu’il en soit, l’imbrication des populations renvoie désormais cette option au rang de bibelot historique, nul ne pouvant imaginer le charcutage faisant advenir un État palestinien viable. Dans leur livre-manifeste 2, Éric Hazan et Eyal Sivan opposent à l’utopie des " deux États " la perspective d’un " État commun " de type confédéral, rappelant qu’avant d’être envoyée dans les limbes, voire qualifiée par certains comme antisémite, cette option fut partagée par des courants sionistes et qu’elle reçut l’appui de personnalités arabes et palestiniennes. Elle fut même défendue par une partie du Comité spécial de l’Onu pour la Palestine (Unscop) et recueillit le soutien du Haut comité arabe et de diplomates britanniques et américains, ainsi que de l’American Jewish Congress. Depuis lors, d’Edward Saïd à Avraham Burg (ancien président de la Knesset, le Parlement israélien), de Diana Butto à Meron Benvenisti (ex-maire adjoint de Jérusalem), des voix post-nationalistes plaident pour cette solution. Jusqu’au très droitier et actuel président de la Knesset, Ruby Rivlin, déclarant en 2010 dans Haaretz, que " le moindre mal serait un État commun dans lequel tous les citoyens jouiraient de droits égaux ". Tandis que plus d’un quart des Palestiniens s’y reconnaissent, des associations de colons (oui de colons !), certes minoritaires, la reprennent à leur compte. La presse et les intellectuels en France semblent pourtant ignorer ce courant, laissant le mantra des " deux États " emplir tout l’espace politique consacré à ce conflit. Une utopie, cet " État commun " ? Peut-être. Mais moins irréaliste que sa concurrente.

  • 1. Dans un article disponible à cette adresse : articles.boston.com/2012-02-29/opinion/31106871_1_palestinian-territories-equal-rights-gaza-strip
  • 2. Un État commun entre le Jourdain et la mer, La Fabrique, 2012

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