Emploi : il n’a pas persévéré sur la voie de la relance

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Malgré son enveloppe de 700 milliards de dollars, le plan de relance de Barack Obama n'a pas engendré les emplois espérés. Cinq millions de postes manquent à l'appel et la reprise se fait attendre.

Le président Obama a-t-il efficacement promu la création d’emploi aux États-Unis durant son mandat ? Pas vraiment. L’économie américaine compte encore près de cinq millions d’emplois de moins qu’avant le début de la crise en décembre 2007. Soit près de deux millions pour le seul bâtiment et 1,8 million d’emplois dans l’industrie, même si l’on assiste depuis deux ans à quelques relocalisations, du fait de l’augmentation des salaires en Chine notamment. Le bilan n’est donc pas enthousiasmant. Mais la question à laquelle les électeurs vont tenter de répondre en novembre, c’est de savoir dans quelle mesure c’est à Barack Obama qu’il faut le reprocher.

Lorsque ce dernier a pris ses fonctions, l’économie était en chute libre, à la suite la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre 2008. Le pays perdait 750 000 emplois par mois quand le président a prêté serment en janvier 2009. Il a alors proposé un plan de relance de 800 milliards de dollars. Mais en raison des concessions qu’il a dû faire aux parlementaires républicains pour que le plan soit adopté, au Sénat notamment, l’enveloppe finale n’a été que d’un peu plus de 700 milliards.

Un plan caduc dès son adoption

Il est clair aujourd’hui que c’était largement insuffisant et cela aurait dû être patent à l’époque. L’économie avait perdu près de 1 400 milliards de dollars de demande annuelle du fait de l’éclatement de la bulle immobilière. Les dépenses annuelles de construction pour les logements résidentiels avaient chuté de près de 600 milliards, et la consommation d’un montant similaire. La construction non résidentielle avait baissé de près de 150 milliards, car une bulle avait aussi éclaté dans ce secteur. Quant aux États fédérés et les collectivités locales, ils ont dû réduire leurs dépenses de 150 milliards pour conserver des budgets équilibrés alors que leurs recettes fiscales avaient chuté.

Pour compenser cette chute de la demande annuelle de 1 400 milliards, le plan de relance affectait 300 milliards à l’année 2009, la même chose pour 2010, les 100 milliards restants devant être dépensés en 2011 et les années suivantes. Barack Obama n’aurait sans doute pas pu obtenir davantage du fait de la capacité des républicains à bloquer l’adoption du texte au Congrès, alors même que les investisseurs étaient disposés à prêter des sommes plus importantes à des taux modérés. En revanche, après l’adoption du premier, le président aurait pu préparer le terrain pour des plans supplémentaires en expliquant à l’opinion que d’autres dispositifs de relance seraient probablement nécessaires, car l’économie s’était gravement détériorée durant les deux mois qui s’étaient écoulés entre l’élaboration du premier plan et son adoption par le Congrès. Au lieu de ça, Obama a commencé à parler des premiers signes d’une reprise et à affirmer qu’il allait désormais se consacrer à la réduction du déficit public, fermant ainsi la porte à toute nouvelle relance.

Réduire le temps de travail

Dans un tel contexte, l’autre voie qu’Obama aurait pu emprunter pour augmenter la création d’emploi était de réduire le déficit commercial des États-Unis qui s’élevait à plus de 5 % du PIB avant le ralentissement de l’économie. Si le pays avait rééquilibré sa balance commerciale, en réduisant ses importations notamment, sans rien changer d’autre à son économie, cela aurait fourni à soi seul 6,5 millions d’emplois, dans l’industrie pour l’essentiel. Mais pour cela, il aurait fallu baisser la parité du dollar face aux autres monnaies, et surtout face au yuan chinois. La Chine est au centre de cette affaire, non seulement parce qu’il s’agit de la deuxième économie du monde, mais aussi parce que sa monnaie sert de référence à d’autres pays en développement pour fixer le cours de la leur. Si la Chine élevait le cours du yuan de 20 %, le Vietnam, la Malaisie, et bien d’autres pays feraient probablement de même.

Destruction, création d’emplois depuis 2000 aux Etats-Unis

Mais Obama n’a pas réellement fait pression sur la Chine dans ce domaine. Certes, il l’a appelée publiquement à revaloriser le cours du yuan, mais les informations concordantes qui ont filtré montrent qu’il ne s’agissait pas d’une priorité pour lui face à Pékin. Le président a donné la préférence à d’autres questions comme le respect des brevets du groupe pharmaceutique Pfizer et des droits de propriété intellectuelle de Microsoft, ou un meilleur accès au marché chinois pour la banque Goldman Sachs. Ce faisant, il a implicitement fait savoir au gouvernement chinois que le cours des devises n’était pas prioritaire à ses yeux (lire p. 38-39).

À défaut de relancer la demande, il reste une façon de créer de l’emploi : le partage du travail. Le principe est simple : si la durée du travail de chacun est réduite de 5 % avec une légère baisse de salaire correspondante, on peut créer 5 % d’emplois. La réalité économique n’est jamais aussi mécanique, mais la logique est incontestable. Réduire la durée du travail est une méthode particulièrement adaptée au cas des États-Unis où le nombre d’heures travaillées est le plus élevé de tous les pays riches. Le président Obama a fait quelques pas dans cette direction. Une loi adoptée en février dernier incite financièrement les États fédérés à intégrer le partage du travail, via le chômage partiel, dans leur système d’indemnisation du chômage. Il reste à voir s’ils utiliseront ces dispositifs de manière significative.

Au final, il est difficile de porter un regard positif sur la politique de Barack Obama en matière de création d’emploi. Le mieux qu’on puisse dire c’est que cela aurait pu être pire.

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