La France pèse-t-elle encore ? (introduction au dossier)

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"Liberté, égalité, fraternité" : la France doit commencer par défendre ses valeurs sur son propre sol si elle veut les proclamer au monde

Par Yann Mens

La France se mire et s’affole. Hier encore, elle s’en souvient très bien, elle était une maîtresse femme dont les formes et la fortune en imposaient au monde. Il écoutait sa voix puissante, suivait souvent la voie élevée qu’elle indiquait. Aujourd’hui, la France se sent maigrir, elle a peur que demain on lui voie les côtes ! D’autres matrones de plus en plus prospères, de plus en plus sûres d’elle, ont surgi (ou resurgi) en Europe, en Asie... Et si l’on écoute encore ce que dit la France, surtout quand elle fait entendre une petite musique différente de la fanfare américaine, le monde ne semble plus éperdu d’admiration pour son intelligence et son modèle supérieurs.

Pourquoi tant de panique ? Parce que le pays a chuté comme une pierre dans tous les classements ? On n’en est pas là... Avec 0,9 % de la population mondiale, la France reste la cinquième puissance économique, la sixième puissance militaire et sa langue est parlée par des centaines de millions de personnes ce qui est un atout économique potentiel (lire p. 29). Ses ingénieurs inventent toujours, même si le pays en tire trop peu profit (lire p. 28). Ses penseurs pensent encore (lire p. 30) et son influence est forte dans certaines régions (lire p. 32 et p. 33). Ses exportations sont très insuffisantes, dans l’Asie émergente notamment (lire p. 31), mais bien placées dans les créneaux de demain (lire p. 26). Alors ? Pour évaluer le présent, il faut commencer par ne pas magnifier le passé. Certes, la France domina (pas si longtemps) une partie du monde, mais ce fut avant tout par la force et ceux qui la suivaient alors n’avaient pas le choix. Les Africains, entre autres, ne l’ont pas oublié qui réclament de ne plus être traités avec hauteur (lire p. 34). Ensuite, la France doit comparer les valeurs qu’elle proclame urbi et orbi avec ce qu’elle réalise sur son sol. La liberté d’expression y est grande sans doute, mais la créativité bridée, tant le pouvoir demeure concentré (lire p. 35-37). L’inégalité des chances y est forte, tant les aristocraties restent puissantes, même si à défaut de particules, elles reposent sur les diplômes de quelques grandes écoles. Quant à la fraternité, la popularité du Front national en est la négation la plus patente. Plutôt que de s’évaluer seule sur une balance planétaire où elle ne pourra plus vraiment peser sans le reste de l’Europe - ce qui exige qu’elle joue (enfin !) collectif et modeste -, la France aurait intérêt à se pencher sur les dysfonctionnements de son modèle. Non pas pour reproduire un prêt-à-porter mondial (économique, social, politique...) qui n’existe guère tant les dosages varient d’un acteur à l’autre, mais simplement pour jeter aux orties ses vieux corsets.

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