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ONG confessionnelles : aider tous ses prochains ? (introduction au dossier)

3 min
Par Yann Mens

Tous les croyants le confirmeront : Dieu a un très grand coeur et il demande à ses fidèles de l’imiter. Aumônes obligatoires, dons volontaires, aide organisée aux plus faibles... les grandes religions, ont, chacune à sa façon, institué des manières de pratiquer la compassion. Rien d’étonnant, donc, à ce que, parmi les principaux acteurs de l’humanitaire et de l’aide au développement, on trouve des ONG confessionnelles, que les Anglo-Saxons qualifient de faith-based (fondées sur la foi) pour montrer leur point commun. Car au-delà de la motivation spirituelle, on trouve de tout dans la maison du Seigneur, depuis de modestes associations organisées autour d’une paroisse ou d’une mosquée de quartier, jusqu’à de puissantes organisations et des réseaux transnationaux : Caritas Internationalis, World Vision, Islamic Relief, Christian Aid...

Surtout, on trouve dans cette nébuleuse des manières différentes d’interpréter son devoir d’aide. Faut-il secourir son frère humain, quelle que soit sa foi ? Ou avant tout ses coreligionnaires, notamment lorsqu’ils sont en conflit avec d’autres groupes confessionnels, voire persécutés ? Dans de nombreux pays en effet, comme au Moyen-Orient (lire p. 56-57) ou en Asie (lire p. 58), l’identité religieuse n’est pas seulement affaire de conviction, mais aussi, histoire oblige, de statut juridique et politique, lorsque le droit civil (mariage, succession...) relève d’autorités cléricales, ou que les institutions sont organisées selon des quotas confessionnels. Chacun naît alors dans une communauté qualifiée de religieuse, et y restera assigné par le regard des autres, par l’État, même s’il ne croit pas. Une ONG confessionnelle, même étrangère, peut-elle rester impartiale lorsque ces communautés s’affrontent ?

La parole du Seigneur n’est pas celle des financeurs

Autre question spécifique à ces ONG : peut-on accorder une place à la propagation de sa foi dans le travail d’aide ? La pratique révèle un camaïeu d’options, depuis celles qui se bornent à expliquer aux bénéficiaires de leurs programmes ce qui les motive, jusqu’à certaines qui ne cachent pas leur volonté de les convertir, et parfois de les inciter au martyre (lire p. 58), en passant par toutes celles qui espèrent que leur exemple suffira à attirer de nouveaux fidèles vers leur dieu.

Ces choix (politiques, missionnaires...) sont aussi influencés par l’argent. Car les ONG confessionnelles, comme les autres, peuvent puiser à deux sources de financement principales : les donateurs individuels et les bailleurs publics (État, organisations internationales...). Les premiers, dans leur cas, sont parfois favorables à ce que les programmes aient une touche religieuse. Les seconds au contraire, qui apprécient souvent les ONG confessionnelles pour leur implantation ancienne, de proximité, auprès des populations, souhaitent généralement financer des projets sans contenu ou discrimination à base religieuse. Selon qu’une ONG s’appuie uniquement sur les premiers ou dépend également des seconds, sa marge de manoeuvre variera. Et ceux qui bénéficient de sa compassion aussi (lire p. 60). Seul Dieu reconnaîtra les siens ?

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