Afrique

Aide au développement : une affaire d’Etats

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L'aide publique au développement est moins volatile que les flux privés qu'elle draine, mais reste insuffisante. L'Afrique voit arriver de nouveaux donateurs. Partenaires ou concurrents ?

L’aide au développement, indispensable à l’Afrique, est souvent mal comprise et on amalgame abusivement sous ce terme des flux monétaires très différents : financements privés, publics, transferts de la diaspora, etc. Stricto sensu, l’aide au développement répond à trois caractéristiques : elle doit correspondre à une dépense publique et financer une opération de développement, non un investissement industriel ou commercial. Elle doit être destinée à l’un des pays éligibles dont la liste est actualisée chaque année par le Comité d’aide au développement de l’OCDE 1. Enfin, pour la part de l’aide qui est prêtée - et non donnée -, les conditions doivent être sensiblement plus intéressantes que celles du marché.

L’aide globale au continent africain représente actuellement environ 40 milliards de dollars par an 2, soit 40 dollars par habitant. La part multilatérale de l’aide, versée par les grandes institutions internationales, est minoritaire : environ 11 milliards de dollars. L’aide multilatérale est par ailleurs fournie à 71 % par deux institutions : la Commission européenne (4 milliards de dollars par an) et la Banque mondiale (3,6 milliards).

Inégaux face à l’aide

L’aide bilatérale reste largement prépondérante (environ 29 milliards de dollars pour l’Afrique), rappelant qu’elle peut aussi être un élément de la politique étrangère des donateurs. A eux seuls, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne assurent 63 % des 40 milliards de dollars d’aide totale fournie à l’Afrique en 2007. Mais la part qui atteint les pays bénéficiaires est en fait moindre : les annulations de la dette, les bourses accordées aux Africains faisant leurs études dans les pays donateurs se traduisent non par des dépenses dans le pays bénéficiaire, mais par la mise au crédit de l’aide du coût représenté par ces postes. Sur 100 dollars, entre 50 et 60 vont directement aux pays receveurs.

Aide publique au développement et annulations de dette en Afrique

Dix pays seulement recevaient en 2006 plus de la moitié de l’aide bilatérale, soit 15 milliards de dollars environ - mais ce petit nombre tient à l’importance transitoire du Nigeria qui bénéficia alors d’une importante annulation de sa dette. L’Afrique est le continent où se situent les pays les plus tributaires : pour deux sur cinq, l’aide représente plus de 10 % du revenu national brut (Burkina Faso, Burundi, Cap-Vert, Centrafrique, RD Congo, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Guinée-Bissau, Liberia, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Niger, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Tanzanie, Zambie), ce qui est considérable. Pour d’autres, le ratio, plus modeste, reste toutefois substantiel par rapport aux autres pays en développement. Or le montant de l’aide est très variable d’un pays à l’autre, et dans le temps. Une évolution qui dépend de la relation spécifique du pays avec ses bailleurs de fonds étatiques habituels et non de stricts critères économiques, ce qui peut poser des difficultés sensibles : à la fin des années 1990, les montants consacrés aux pays les moins avancés ont été divisés par deux dans un contexte de baisse généralisée de l’aide 3, alors que ceux affectés aux pays moins vulnérables avait été à peu près maintenus.

Aide publique au développement par habitant, en 2007

S’il est difficile d’en mesurer l’efficacité à long terme, l’aide publique montre la voie à d’autres apports. En développant analyses et outils statistiques, les institutions internationales éclairent la prise de décision des banques et entreprises étrangères. Ainsi le financement du développement se diversifie-t-il depuis une dizaine d’années. Ce qui suscite l’intérêt (comme la réhabilitation de réseaux d’eau potable et d’assainissement par des partenariats avec des groupes privés) ou le scepticisme (arrivée de donateurs controversés telle la Chine, achat massif de terres agricoles par des Etats ou fonds spéculatifs).

Ces tendances ne sont pas dépourvues d’ambiguïté : jusqu’où l’aide à l’Afrique en est-elle vraiment ? L’exemple de la Chine est éloquent : peu concernée par les enjeux de bonne gouvernance, elle offre des financements massifs sans se préoccuper de leur efficacité, pourvu qu’elle s’assure l’accès aux ressources pétrolières et minières et des débouchés pour ses produits. Les nouveaux donateurs que sont les " BRICs " (Brésil, Russie, Inde, Chine) sont moins exigeants en termes de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, et leur aide a des conséquences qui peuvent saper le travail concerté des donateurs classiques. Et nuire à la bonne gestion de l’aide tout en séduisant les pays receveurs.

Depuis le début de 2009, et face à la crise financière, l’on a pu craindre une baisse de l’aide à l’Afrique de la part de certains donateurs, dont la France. Mais la mobilisation reste soutenue, du moins si l’on en juge par les promesses réaffirmées lors du sommet du G8 à L’Aquila, en juillet 2009. Une constance bienvenue, car si certaines années les flux privés vers l’Afrique dépassent le montant des aides publiques, ils sont aussi plus volatiles : depuis 2009, ils ont tous diminué, selon la Banque mondiale et l’OCDE, poursuivant la tendance amorcée en 2008 avec la crise.

  • 1. L’Organisation de coopération et de développement : www.oecd.org
  • 2. Panorama de l’aide au développement 2008, statistiques par région, OCDE 2008.
  • 3. La " fatigue de l’aide ", liée au peu de résultats sur le terrain, se traduit par le relatif désengagement de bailleurs de fonds qui misent alors sur la réforme de l’Etat et la libéralisation de l’économie.

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