Etats-Unis : retour vers le réel

6 min

Le nouveau président américain a fait de nombreuses promesses lors de la campagne électorale. Beaucoup ne pourront être tenues.

Donald Trump, le nouveau président des Etats-Unis, n’a pas offert pendant la campagne électorale (juin-novembre 2016) un vrai programme de gouvernement. Il s’est contenté d’indiquer des pistes, sans donner de contenu précis à ses prises de position. Et certains projets ne pourront être mis en oeuvre, malgré les incantations et les promesses répétées.

Etats-Unis (carte)

Population : 321 millions
PIB : 17 947 milliards de dollars
Taux de croissance : + 2,4 %
Taux de chômage : 6,2 %*
Espérance de vie : 78,9 ans*

Source : Banque mondiale ; données 2015, sauf *2014.

Etats-Unis (carte)

Population : 321 millions
PIB : 17 947 milliards de dollars
Taux de croissance : + 2,4 %
Taux de chômage : 6,2 %*
Espérance de vie : 78,9 ans*

Source : Banque mondiale ; données 2015, sauf *2014.

Ainsi, parmi les projets les moins réalisables, les "projets punitifs" du Président Trump. Il ne pourra pas expulser 11 ou 12 millions d’immigrés sans papiers, à moins de mettre en place un Etat totalitaire, capable de les pourchasser, de recueillir des dénonciations pour faciliter leur arrestation et de placer les "coupables" dans des camps d’internement, avant de les renvoyer dans leur pays d’origine. Ceci porterait atteinte à l’Etat de droit et aux libertés fondamentales des Américains, d’autant que de nombreux "illégaux" disposent d’un emploi stable et appartiennent à des familles mixtes, composées d’enfants nés aux Etats-Unis (et donc citoyens américains). Au mieux, l’administration Trump continuera le programme mis en oeuvre par celle d’Obama, qui a expulsé 3 millions de personnes entre 2009 et 2016. Il se contentera donc de renvoyer les sans-papiers déjà condamnés par la justice américaine pour des crimes ou délits.

Donald Trump ne pourra pas non plus, comme promis, construire une muraille infranchissable entre les Etats-Unis et le Mexique, sur une longueur de 3 145 km. Le coût du mur et de sa militarisation, estimé par plusieurs think tanks à 25 milliards de dollars, est prohibitif, et sa protection nécessiterait une armée permanente de 200 000 gardes-frontières !

Un programme économique hybride

Si depuis son élection, Donald Trump a annoncé qu’il retirerait les Etats-Unis du Traité de libre-échange transpacifique (TPP) signé en février 2016, il ne pourra "déchirer" les traités commerciaux conclus avec ses grands voisins et déjà ratifiés, à commencer par l’Alena (Accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique). Il ne pourra pas non plus taxer à hauteur de 45 % les importations de produits fabriqués en Chine. En effet, en matière de traités, le Congrès a son mot à dire, et un protectionnisme excessif entraînerait une guerre commerciale avec la Chine, avec des conséquences fâcheuses pour l’industrie et le consommateur américains : 5 millions de travailleurs états-uniens vivent en effet d’activités exportatrices.

L’ébauche du programme économique présenté par Donald Trump est un curieux hybride de mesures keynésiennes, destinées à relancer la croissance et l’emploi, et d’éléments ultralibéraux, inspirés de l’économie de l’offre, jadis défendue par l’administration Reagan (1981-1989). D’un côté, il prévoit de relancer massivement les dépenses d’infrastructures (routes, ponts, voies ferrées, aéroports...), pour un montant annoncé de 1 000 milliards de dollars. De l’autre, il propose une nouvelle politique fiscale, particulièrement favorable aux entreprises et aux grosses fortunes, avec l’abaissement du seuil maximum de l’impôt sur les revenus de 39,6 % à 33 % et une forte réduction de l’impôt sur les bénéfices des sociétés de 35 % à 15 %.

Les conséquences budgétaires de telles baisses d’impôts seraient considérables : une perte de 12 000 milliards de dollars sur dix ans pour le Trésor et un énorme accroissement de la dette, avec des implications prévisibles en situation de plein-emploi, selon les statistiques officielles : à savoir l’inflation et la montée des taux d’intérêt bancaires. Ces effets induits pourraient, à long terme, avoir des conséquences négatives sur la croissance rapide tant espérée, dont Donald Trump n’hésite pas, de façon arbitraire, à fixer le seuil à 4 % du produit intérieur brut (PIB) par an.

Dans le domaine financier, Donald Trump, qui avait pourtant promis de punir Wall Street pour ses excès pendant la campagne, envisage d’introduire des mesures de déréglementation bancaire. Elles seront particulièrement favorables aux grandes banques d’affaires, à commencer par la suppression de la loi dite Dodd-Frank, votée après la grande récession de 2008, afin de limiter les spéculations bancaires excessives et les risques encourus par des banques trop grosses pour que l’économie puisse supporter leur faillite (too big to fail).

"Invention chinoise"

Même s’il a un peu tempéré ses déclarations depuis son élection, Donald Trump ne croit pas vraiment au réchauffement climatique, une "invention chinoise", a-t-il proclamé à plusieurs reprises. Il est donc probable, sans certitude absolue, que sa politique environnementale ait des conséquences négatives pour l’application de l’accord de Paris (qui n’a pas valeur de traité aux Etats-Unis, car le Congrès a refusé de le ratifier).

Dans ce dossier, Donald Trump dispose de plusieurs options. Il pourrait annoncer un retrait des Etats-Unis (qui ne prendrait effet qu’en 2020) ou, plus probable, un ralentissement des engagements américains (diminution des émissions de CO2 de 28 % sur une période de vingt ans), accompagné par une volonté délibérée d’affaiblir les pouvoirs de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), chargée entre autres choses de la réglementation des émissions de gaz à effet de serre.

En matière énergétique, les projets du nouveau Président restent des plus incertains. Ceux - archaïques - qui visent à relancer l’industrie charbonnière semblent voués à l’échec. Mais d’autres initiatives sont plus crédibles, comme la relance de l’industrie nucléaire et la construction de nouvelles centrales. Il est probable aussi qu’il encourage le développement de l’industrie pétrolière et la construction - longtemps bloquée par Barack Obama - de l’oléoduc Keystone XL entre le Canada et le sud des Etats-Unis.

Médecine de riches

La principale mesure "anti-Obama" promise par Donald Trump est la suppression de la grande loi sur la santé, votée en 2008, l’Affordable Care Act (dite "Obamacare"). Une telle abolition exigerait un long processus législatif et susciterait un fort mouvement d’opposition de la part des 21 millions de bénéficiaires de la loi. La privatisation des programmes de santé serait en effet une catastrophe pour les plus pauvres, en particulier pour ceux qui doivent subir des traitements médicaux de longue durée ou des procédures chirurgicales particulièrement coûteuses. Une fois élu, Donald Trump a d’ailleurs laissé entendre qu’il préserverait les éléments les plus protecteurs de la loi ; il ferait même "beaucoup mieux", a-t-il affirmé, sans que l’on sache comment sera financée une telle réforme, coûteuse et contraire à ses objectifs annoncés de moins d’Etat-providence.

Dans le domaine social, la réforme la plus controversée proposée par Donald Trump consistera à nommer à la Cour Suprême un juge ultraconservateur pour remplacer le juge Antonin Scalia, décédé en 2016. Un tel juge, selon les déclarations répétées du candidat, aurait pour mission de renverser la jurisprudence Roe v. Wade, légalisant l’avortement en 1973, et la jurisprudence Obergefell v. Hodges de 2015, autorisant le mariage homosexuel. Des engagements pour lesquels le candidat Trump a reçu le soutien électoral sans faille des électeurs évangéliques blancs et conservateurs : 81 % d’entre eux ont voté pour lui.

Le manque total d’expérience gouvernementale de Donald Trump, qui n’a jamais exercé de fonctions électives, et les positions conflictuelles exprimées par ses conseillers présagent d’un avenir incertain. Mais le nouveau président des Etats-Unis, quoi qu’on dise de son incompétence et de son amateurisme, disposera de pouvoirs exceptionnels, rarement réunis par un nouvel élu : une triple majorité au Sénat, à la Chambre des représentants et, bientôt, à la Cour suprême.

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