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Le nouvel impérialisme chinois

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Un ingénieur du géant des télécoms chinois Unicom teste la technologie 5G, le 27 février dernier, à Pékin. PHOTO : © Xinhua-Réa

Guillaume Duval, éditorialiste à Alternatives Economiques, chroniqueur de l’émission « Entendez-vous l’éco » sur France Culture, explique le changement de modèle chinois : d’usine du monde à l’apparition de multinationales.

Le salaire minimum mensuel à Shanghai est actuellement de 318 euros. Il est supérieur désormais au salaire minimum bulgare qui est de 286 euros. Et il est proche des niveaux qui prévalent dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale. Shanghai n’est pas toute la Chine et ailleurs les salaires restent encore inférieurs, mais partout dans l’empire du milieu, ils montent rapidement : le salaire minimum à Shanghai a été multiplié par quatre depuis 2006.

Impressionnant en effet. Et la Chine réussit encore à exporter avec ces salaires ?

Elle exporte encore beaucoup, mais surtout les Chinois se sont mis grâce à cela à consommer aussi beaucoup : les exportations de biens et de services qui représentaient 36 % du PIB Chinois en 2006 n’en pesaient plus que 20 % en 2017. Et les importations ont doublé dans le même temps. Du coup, l’excédent de la balance courante chinoise, qui était de 9,9 % du PIB en 2007, n’était plus que de 1,3 % en 2017. La Chine a beaucoup plus rééquilibré son économie que l’Allemagne dont les excédents extérieurs dépassent toujours 8 % du PIB.

La Chine est donc de moins en moins l’usine du monde en réalité...

Oui, les multinationales ne délocalisent plus guère leurs productions ou leurs achats vers la Chine en vue d’exporter ailleurs. Quand elles y développent leurs activités c’est désormais d’abord pour desservir un marché chinois en pleine expansion. La Chine a d’ores et déjà largement cessé d’exercer le dumping social à grande échelle qu’elle nous faisait subir depuis vingt-cinq ans, même si les fortes surcapacités qui existent dans certains secteurs comme l’acier, notamment, continuent de poser problème. Et sur ce terrain, la Chine n’est pas prête d’être remplacée : il n’existe nulle part ailleurs dans le monde une armée de réserve de 1,3 milliard de personnes habitant dans un Etat solide, capable de donner des gages de stabilité suffisants et de fournir les services indispensables à des multinationales. Le pire de la mondialisation dérégulée est probablement derrière nous.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes alors ?

Pas vraiment. La nouvelle phase du développement chinois se traduit par l’apparition de multinationales. Elles s’implantent partout, notamment en rachetant des firmes, comme cela a été le cas en Europe récemment du fabricant automobile Volvo, du groupe PSA pour une part, d’Energias do Portugal, l’EDF-GDF portugais, ou encore du port du Pirée à Athènes…

Les liens étroits et opaques que ces firmes entretiennent le plus souvent avec l’Etat chinois posent des problèmes sérieux comme on l’observe actuellement au sujet du fournisseur de réseaux et d’équipements téléphonique Huawei, soupçonné d’espionner ses clients pour le compte de la Chine.

De plus, l’absence de contraintes en matière de responsabilité sociale et environnementale que leur imposent l’Etat et la société chinoise, tout comme leur accès quasi illimité à un financement qui reste lui aussi dans la main de l’Etat chinois, faussent largement la compétition avec les multinationales des pays occidentaux. Cela pourrait cependant avoir à terme des conséquences positives : les multinationales européennes et américaines vont peut-être de ce fait devenir enfin demandeuses d’une régulation mondiale.

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