Mise en place de l'exposition hors les murs du musée des Confluences à Lyon, le 18 décembre 2020. Fermée, la structure a décidé de montrer une partie de ses œuvres au public, dans des bâtiments publics de la Métropole.Stephane AUDRAS/REA
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Entretien

« Partout, les musées réclament leur réouverture »

5 min
David Vuillaume Président du Réseau européen des associations de musées (Network of European Museum Organisations NEMO)

Les musées sont désormais ouverts en Italie, Pologne, Espagne, Belgique, Autriche, au Luxembourg et au Portugal. Le seront-ils bientôt en France ? Ce seront en tout cas les premiers lieux culturels autorisés à ouvrir leurs portes, a assuré la ministre de la Culture Roselyne Bachelot le 8 février.

Quel est l’effet de la crise sanitaire pour ces institutions culturelles ? Dans quelles conditions peuvent-elles accueillir le public ? Réponses de David Vuillaume, président du Réseau européen des associations de musées (Network of European Museum Organisations, Nemo), qui réunit les associations nationales de musées en Europe, et directeur de l’association allemande de musées.

Où en est la fermeture des musées en Europe ?

D’après notre enquête du Nemo, effectuée dans 48 pays, 99 % des musées ont baissé le rideau au moins une fois depuis le début de la pandémie. La plupart ont fermé deux fois après le déconfinement de cet été.

Aujourd’hui, les musées sont désormais ouverts en Italie, en Pologne, en Espagne, en Belgique, au Luxembourg, au Portugal, et en Autriche. En Allemagne, aux Pays-Bas, les…

 

Les musées sont désormais ouverts en Italie, Pologne, Espagne, Belgique, Autriche, au Luxembourg et au Portugal. Le seront-ils bientôt en France ? Ce seront en tout cas les premiers lieux culturels autorisés à ouvrir leurs portes, a assuré la ministre de la Culture Roselyne Bachelot le 8 février.

Quel est l’effet de la crise sanitaire pour ces institutions culturelles ? Dans quelles conditions peuvent-elles accueillir le public ? Réponses de David Vuillaume, président du Réseau européen des associations de musées (Network of European Museum Organisations, Nemo), qui réunit les associations nationales de musées en Europe, et directeur de l’association allemande de musées.

Où en est la fermeture des musées en Europe ?

D’après notre enquête du Nemo, effectuée dans 48 pays, 99 % des musées ont baissé le rideau au moins une fois depuis le début de la pandémie. La plupart ont fermé deux fois après le déconfinement de cet été.

Aujourd’hui, les musées sont désormais ouverts en Italie, en Pologne, en Espagne, en Belgique, au Luxembourg, au Portugal, et en Autriche. En Allemagne, aux Pays-Bas, les projets de réouverture se précisent, sous certaines conditions.

Il est possible que nous entrions dans une période où vont se succéder les périodes d’ouverture et de fermeture de ces institutions. Mais, partout, les musées ont réclamé leur réouverture, car les conditions d’accueil du public y sont très sûres. Très rapidement, ils ont pu organiser les flux de visiteurs par un système de billetterie correspondant à des horaires précis. Les caisses ont été protégées par des plexiglas.

Si nous avons accepté de fermer nos portes, c’est principalement par solidarité afin de limiter les mouvements de population. D’ailleurs, notre dernière enquête a révélé que neuf musées sur dix avaient le sentiment qu’à la fois les visiteurs et le personnel étaient en sécurité dans leurs locaux.

Que révèlent vos enquêtes sur l’effet de la pandémie sur l’économie des musées ?

La première partie de notre enquête a concerné 1 000 musées, la deuxième 600. On y apprend que 50 % des musées européens ont dû et pu faire appel à des aides publiques. En cela, ils sont dans une position plus confortable que les musées anglo-saxons, notamment américains, qui ne bénéficient pas de ces soutiens. Mais la billetterie représente tout de même une part importante de leurs recettes.

« Tous les musées fermés perdent de l’argent même s’ils sont publics »

Tous les musées fermés perdent de l’argent même s’ils sont publics. On estime ce manque à 1 000 euros par semaine pour 50 % des musées qui sont des petits musées. 2 % des structures, les plus grandes, perdent plus de 10 000 euros par semaine. Ces dernières sont très tributaires du tourisme et même quand elles sont ouvertes, elles perdent des revenus avec la chute des déplacements et la fermeture des frontières. C’est le cas par exemple dans l’île aux musées à Berlin.

Globalement, l’effet de la pandémie reste délétère pour les lieux privés comme pour les musées publics, qui auront probablement beaucoup moins d’argent dans les caisses pour produire les futures expositions. 70 % des musées attendent en effet des coupes budgétaires cette année ou l’année prochaine.

Vers quels financements alternatifs peuvent-ils se tourner ?

50 % des grands musées cherchent activement des alternatives aux financements publics. Ils peuvent aller chercher de l’argent auprès des grands gagnants de la pandémie en trouvant des entreprises mécènes. Globalement, les partenariats publics-privés vont se développer, y compris dans les institutions de taille moyenne.

Les musées peuvent aussi amener les usagers, notamment ceux des services en ligne, à payer pour ce qu’on leur offre. Des enquêtes réalisées en Italie et aux Etats-Unis tendent à monter que les internautes étaient prêts à payer pour des services personnalisés de haute qualité, comme des visites réalisées par le directeur du musée ou une personnalité connue.

« Le risque du développement de ces financements alternatifs est que les musées perdent de vue leur mission de démocratisation de la culture »

Le risque du développement de ces financements alternatifs est que les musées perdent de vue leur mission de démocratisation de la culture. Nous espérons que les services en ligne proposés par les musées seront utilisés par des publics de plus en plus larges, comme durant les confinements. Il serait dommage que cette tendance ne se poursuive pas.

Quels sont les services numériques développés par les musées ?

Les musées ont fait preuve d’une grande agilité pour offrir des services en ligne. Mais on n’a pas non plus assisté à la création de nouveaux postes du jour au lendemain. Les offres numériques ont pu être renforcées grâce à un redéploiement temporaire des ressources en personnel.
Les musées ont ainsi beaucoup développé la communication sur les réseaux sociaux, les visites en ligne et les contenus vidéos, films ou jeux. Il s’agit de services pédagogiques et éducatifs qui ont pu être facilement intégrés à l’école à distance.

Par exemple, les musées de la région de la Rhénanie du Nord en Allemagne ont invité les enseignants à donner leurs cours depuis leurs locaux. Ce sont des idées et des services appelés à se maintenir et à se développer notamment grâce à la formation des personnels.

Les musées sont de plus en plus incités à jouer un rôle pédagogique et éducatif important pour les enfants et les adolescents, notamment s’ils viennent de milieux défavorisés. Ces offres qui sont souvent ludiques permettent de se familiariser avec la culture dans un cadre moins contraignant et intimidant que l’école. C’est vrai pour les jeunes qui ont particulièrement souffert du confinement.

Propos recueillis par Naïri Nahapétian

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Commentaires (1)
Gourou51 17/02/2021
Je crains que beaucoup de petits musées locaux ne survivent pas à ces fermetures prolongées.
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