Taxation du capital et plafonnement prud’homal
Au risque de surprendre quelques lecteurs, il faut reconnaître que les mesures adoptées par le gouvernement en matière de taxation de l’épargne ont une certaine cohérence libérale. De fait, la sortie de l’assiette de l’ISF des actifs financiers (actions et obligations) va profiter aux personnes les plus fortunées (même si les grandes fortunes y échappaient déjà largement via le plafonnement). De même, la taxation forfaitaire à 30 % va diminuer l’imposition des revenus du capital pour toutes les personnes taxées marginalement via l’impôt sur le revenu à 40 % ou 45 %, soit la très grande majorité des détenteurs de portefeuilles d’actions et d’obligations. Notons au passage que ces 30 % incluent les prélèvements sociaux et fiscaux, ce qui va rendre indolore la hausse de la CSG pour les détenteurs de valeurs mobilières puisque le taux d’imposition des revenus du capital stricto sensu sera diminué en due proportion.
Redistribution à l’envers
Toutes ces mesures vont donc avoir pour effet de redistribuer plusieurs milliards à une petite minorité de contribuables très aisés. Au nom de la juste récompense de leurs efforts, notamment pour les plus-values obtenues par les créateurs de start-up, lorsqu’ils revendent une partie de leurs parts à des investisseurs. On espère aussi retenir ou attirer ainsi dans notre beau pays d’autres détenteurs d’importantes fortunes. Bref, le progressisme « macronien ».
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Ce qui est en revanche plus intéressant, pour ceux qui, comme moi, préfèrent les impositions proportionnelles à assise large aux impositions progressives à assise étroite et mitées par de multiples déductions et niches, c’est que cette imposition forfaitaire à 30 % va s’étendre à certains placements qui jusque-là y échappaient. Cela sera notamment le cas pour les assurances-vie au-delà de 150 000 euros (300 000 euros pour un couple), ce qui concerne, selon le gouvernement, 6 % des contrats.
On va faire un cadeau aux très riches et taxer plus sérieusement les plutôt riches qui bénéficiaient de privilèges fiscaux injustifiés
Ce sera également le cas pour les intérêts portés par les Plans d’épargne logement depuis longtemps détournés de leur fonction première par les classes favorisées qui y voient le moyen de placer pour un couple 120 000 euros en toute sécurité et sans le moindre prélèvement fiscal. Désormais, les nouveaux PEL verront leurs intérêts soumis à cette taxe de 30 % mais ce sera aussi le cas des PEL ouverts depuis plus de douze ans, relativement nombreux et souvent remplis à ras bord. Bref, on va faire un cadeau aux très riches, car ils ont un vrai pouvoir de nuisance, et taxer plus sérieusement les plutôt riches qui, au nom de la protection de l’épargne populaire, bénéficiaient de privilèges fiscaux injustifiés.
En revanche, l’épargne populaire stricto sensu (livret A, LEP, LDD) demeure épargnée. Le gouvernement n’a pas osé taxer les livrets A pleins à ras bord et sur lesquels aucun mouvement n’est enregistré. Dommage, car, là encore, c’est un cadeau fait à la minorité la plus aisée de la population, au nom de la défense des intérêts de détenteurs de livrets bien moins dotés. Le relèvement du plafond du livret A par le précédent gouvernement n’avait d’ailleurs rien arrangé. Ensuite, reste à savoir si ces mesures vont favoriser l’investissement et l’emploi. En l’état actuel des taux, la question est moins l’accès au financement que l’envie d’emprunter. Donc, le manque d’idées ou le manque de demande !
Prud’hommes : un plafonnement choquant
Le gouvernement a défendu la fixation du plafond des indemnités versées aux prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse à 20 mois de salaire au-delà de 29 ans d’ancienneté (contre 21,5 mois dans le barème indicatif actuel). Alors qu’un employeur devait jusqu’à présent verser six mois de salaire lorsque le licenciement était jugé abusif (pour un salarié ayant deux ans d’ancienneté), ce montant sera ramené à trois mois.
De fait, selon une étude de la chancellerie, la moyenne des décisions s’établissait en 2014 à 24 000 euros. Ce qui veut dire qu’une majorité de décisions sont inférieures à ce montant – une moyenne n’étant pas une médiane – mais aussi qu’un très grand nombre d’entre elles sont largement supérieures. Elles s’établissaient ainsi à 49 600 euros pour les salariés disposant d’une forte ancienneté. En fixant ce nouveau plafond obligatoire, il est probable que le gouvernement réduise fortement le montant total des indemnités versées aux salariés puisque le plafonnement va être inférieur à ce qu’accordaient jusque-là de nombreuses décisions.
Le plafonnement va donc profiter surtout aux employeurs les plus indélicats et favoriser les licenciements de salariés âgés
Plus grave, les indemnités les plus élevées étaient toujours versées à des salariés ayant une forte ancienneté et dont le licenciement était manifestement injuste : n’oublions pas que les prud’hommes sont une juridiction paritaire et que toute décision suppose l’accord des conseillers employeurs. Le plafonnement va donc profiter surtout aux employeurs les plus indélicats et favoriser les licenciements de salariés âgés. C’est donc particulièrement choquant et sans doute contraire aux principes fondamentaux du droit qui veulent que l’indemnisation soit corrélée au préjudice. Il n’est pas sûr, selon certains juristes, que ce plafonnement ne soit pas non plus contraire aux principes définis dans la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux. A suivre.