Quelle réforme pour les indépendants ?
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Le diable se niche dans les détails. Ouvrir l’assurance chômage aux indépendants ne sera pas une mesure facile dans sa rédaction. C’est l’un des enseignements du rapport de la mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales.
Tout d’abord, de qui parlons-nous ? Il y au total 4,4 millions d’indépendants, mais seuls 3,3 millions seraient concernés par la réforme de l’assurance chômage, pensent les auteurs de la mission, qui décomptent certaines catégories comme les micro-entrepreneurs inactifs ou les conjoints collaborateurs. Sur ces 3,3 millions, on recense 1,7 million d’indépendants classiques, 700 000 micro-entrepreneurs, 460 000 exploitants agricoles et 180 000 dirigeants assimilés salariés.
Le nombre de personnes à indemniser oscillerait entre 50 000 et 360 000 par an
Mais selon les inspections, et en fonction des critères qui seront retenus pour accéder à l’assurance chômage, le nombre de personnes à indemniser oscillerait entre 50 000 et 360 000 par an. Un ensemble très hétérogène, dont les revenus varient de 4 920€ par an pour les micro-entrepreneurs à 39 120€ pour les autres indépendants. En outre, si le travailleur indépendant se définit par une absence de lien avec un employeur (il n’a pas de contrat de travail mais un contrat commercial), la distinction est brouillée par le développement des travailleurs indépendants économiquement dépendant, c’est-à-dire ceux qui sont majoritairement ou exclusivement tributaires d’un donneur d’ordre. C’est principalement le modèle qu’on retrouve dans les plates-formes numériques, type Uber ou Deliveroo.
Mécanismes de contrôle
Par ailleurs, afin d’éviter les effets d’aubaine, comment appréhender des revenus qui s’établissent sur une base annuelle et avec retard ? La définition de perte d’activité ne coule pas non plus de source. Contrairement aux salariés, dont le licenciement ou la fin d’un CDD est facilement identifiable, une cessation d’activité pour un travailleur indépendant peut être manipulée plus aisément : « Il s’agit d’un acte administratif simple dont rien ne permet de présumer ou de garantir le caractère involontaire ». La mission préconise donc des mécanismes de contrôle pour éviter les comportements volontaires de cessation d’activité, qui pourraient alors, s’ils sont massifs, compromettre la soutenabilité financière du régime. Elle propose de ne pas non plus couvrir les variations de revenus, afin de limiter les comportements d’optimisation. C’est-à-dire que le travailleur indépendant, ou son donneur d’ordre principal, organise des alternances entre le chômage et le travail ou ait recours au travail dissimulé.
La mission préconise donc des mécanismes de contrôle pour éviter les comportements volontaires de cessation d’activité
Les auteurs du rapport défendent également un dispositif spécifique pour les indépendants économiquement dépendants, qui perdraient leur donneur d’ordre principal. Ils détaillent en conclusion dix scénarios possibles, dont certains peuvent être combinés. Du fait des divers choix possibles, le coût de la réforme n’est pas abordé. Mais plusieurs possibilités de financement sont évoquées.
Quel financement?
Tout d’abord la possibilité qu’il repose sur les travailleurs indépendants eux-mêmes dans une logique de solidarité. Une augmentation d’un point du taux de cotisations sociales des indépendants pourrait permettre de dégager entre 800 et 900 millions d’euros. Mais le gouvernent a promis aux indépendants qu’ils ne paieraient pas davantage. Autre possibilité : « Des transferts financiers depuis le régime d’assurance chômage des salariés, dans un principe de solidarité entre salariés et travailleurs indépendants ». Autrement dit faire payer aux salariés l’ouverture aux indépendants, mais les centrales syndicales sont fortement opposées à cette idée. De plus, du fait du déficit de l’Unédic, une telle solution pourrait se traduire par un durcissement des conditions d’indemnisation des salariés. Dernière piste envisagée par la mission : que ce soit les recettes fiscales, comme la CSG, qui financent cette ouverture.
Une combinaison de ces trois possibilités est cependant envisageable, écrivent les auteurs du rapport. Les solutions retenues par le gouvernement montreront l’ampleur de la population des indépendants qui seront protégés par cette réforme.
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