Energie

Renouvelables : la France toujours plus en retard

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Cérémonie pour le 1er anniversaire de la loi de transition énergétique, au palais de l'Elysée le 23 juillet 2016. PHOTO : ©Gilles Rolle/somer/pool/REA

Publiés en août, les derniers chiffres sur la production d’énergie renouvelable confirment que la France n’atteindra pas ses objectifs européens pour 2020. Sauf à mettre les bouchées doubles, et même triples, ces trois prochaines années.

Les énergies renouvelables ont représenté l’an dernier 14,9 % de la consommation finale1 d’énergie, selon le bilan de l’année 2015 publié par le service statistique du ministère de l’Environnement. Depuis 2012, la progression de cette part ne cesse de dévier par rapport à la trajectoire à suivre pour atteindre l’objectif de 23 % que la France est tenue d’atteindre en 2020, selon la directive européenne d’avril 2009 (2009/28/CE) sur l’énergie et le climat.

Au rythme actuel, un gain d’à peine un demi-point par an, la France n’atteindra les 23 % qu’en… 2031. Or à cette date, elle devrait avoir dépassé les 32 %, niveau fixé pour 2030 par la loi sur la transition énergétique promulguée il y a tout juste un an. Pour respecter l’objectif 2020, le gain devrait être de 8,1 points sur la période 2015-2020, soit un triplement du rythme actuel de déploiement des renouvelables.

Au rythme actuel, la France n’atteindra les 23 % qu’en… 2031

La France est non seulement très en retard par rapport à ses obligations européennes, mais c’est le pire élève de la classe. A ses côtés se trouvent également le Royaume-Uni (encore membre de l’UE), l’Irlande, les Pays-Bas. Si l’UE atteint son objectif global de 20 % d’énergies renouvelables en 2020, ce sera notamment grâce aux Etats membres qui auront dépassé leurs objectifs, ce qui est déjà le cas d’une dizaine d’entre eux (Suède, Italie et plusieurs pays d’Europe centrale). 

Pour mettre en œuvre la directive de 2009, la France a adopté un plan national d’action en faveur des énergies renouvelables, remis en 2010 à la Commission européenne. Ce plan établit des objectifs annuels de production filière par filière jusqu’en 2020, dont le total était censé atteindre 36,1 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) à cette date et déjà 27,4 Mtep en 2015. Or l’an dernier, seules 22,7 Mtep ont été délivrées, soit 83 % de ce qui aurait dû être réalisé. Ce résultat global masque des disparités importantes entre filières : si les objectifs sont respectés pour les carburants « verts », la France reste très, très loin du compte pour les deux sujets clés, productions d’électricité et de chaleur renouvelables.

Agrocarburants : objectif atteint, mais...

L’incorporation des agrocarburants (éthanol et biodiesel) est conforme à la trajectoire fixée par le plan d’action. Elle la dépasse même légèrement en 2015 (respectivement 2,99 et 2,95 Mtep). Forme de subvention aux agriculteurs et aux importateurs (d’huile de palme notamment), le soutien à ces filières est tel que la progression des carburants d’origine végétale depuis dix ans (+ 2,7 Mtep) représente plus du quart de l’accroissement total de la consommation d’énergie renouvelable sur cette période (+ 7,3 Mtep), alors même que le bilan énergétique de cette production est médiocre et ses impacts environnementaux lourds, en particulier sur la biodiversité.

Electricité : à la ramasse

Pour l’électricité renouvelable, la France est en 2015 à 87 % de son objectif : 8,2 Mtep fournies contre 9,4 Mtep prévues. En ce qui concerne la filière photovoltaïque, la production a pourtant enfoncé toutes les prévisions et atteint pratiquement aujourd’hui l’objectif 2020. Cependant, en terme de volume, les niveaux atteints sont encore beaucoup trop faibles pour peser significativement dans la balance. Le problème provient surtout de l’éolien. Alors que le plan misait très largement sur cette source désormais compétitive pour accroître la production d’électricité verte, sa progression n’atteint que 65 % de l’objectif (1,7 Mtep produites en 2015 contre 2,6 Mtep visées). En cause, l’absence de volonté concrète des pouvoirs publics d’aplanir les multiples obstacles auxquels se heurte l’essor de la filière éolienne.

Chaleur : c’est encore pire

Les filières de production de chaleur renouvelable accusent un retard de développement encore plus grand que l’électricité : 11,4 Mtep fournies en 2015 contre 15 Mtep planifiées, soit 76 % de l’objectif. L’essor des pompes à chaleur a largement dépassé les prévisions (1,9 Mtep contre 1,5 Mtep), mais cela ne comble pas le retard au niveau de la biomasse solide, autrement dit du bois et des déchets (9 Mtep produites en 2015 pour un objectif de 12,5 Mtep).

Des filières qui restent aujourd’hui trop peu valorisées

Ces filières restent aujourd’hui trop peu valorisées, en dépit de l’important gisement que représente d’une part la méthanisation des résidus agricoles et des déchets organiques des villes et de l’industrie, et d’autre part la forêt française, exploitée bien en-deçà de ses capacités naturelles de renouvellement.

De 2005 à 2015, la France a accru sa consommation d’énergie renouvelable de 7,3 Mtep. Il faudrait, pour respecter ses engagements européens et son propre plan d’action, qu’elle l’augmente de plus de 13 Mtep entre 2015 et 2020, ce qui passe par une intensification urgente des efforts dans toutes les filières, et en particulier l’éolien terrestre et la biomasse solide. Un sujet qui a plus que jamais disparu du débat politique…

  • 1. Consommation finale d’énergie : énergie consommée par les utilisateurs finaux (ménages, entreprises…). La somme de l’énergie finale et des pertes de conversion (de la chaleur en électricité) et de transport représente la consommation énergétique totale, ou énergie primaire.

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Commentaires (1)
PHILIPPE 02/09/2016
La transition energetique est actuellement gerée sur le moyen/long terme, alors que nos politiques sont obnibulés par le court terme sous la pression de leurs electeurs ( production laitiere, securité, chomage, impot, education, energie, transport .......) Les decisions prises a court terme peuvent se reveler antinomique pour le moyen terme Par exemple sur l'energie, nous avons 3 grosses entreprises dans ce secteur ( Areva, EDF et Engie). La premiere est en grande difficulté economique et la 2eme souffre. Le gouvernement renfloue en partie la 1ere grace à la 2 eme et s'est engagée à recapitaliser les 2 soit 5+5 MME Ces moyens auraient pu etre alloués à la transition energetique, mais le gouvernement ne peut pas laisser ces 2 champions francais boirent la tasse ( de nombreux emplois sont en jeu) Les arbitrages gouvernementaux privilegient tres souvent le court terme face à la pression de l'opinion Peut on le blamer ? Toute la difficulté pour la mise en oeuvre de la transition energetique, c'est que les citoyens comme nos hommes politiques raisonnent à court terme. Et que d'autre part, l'impact sur le quotidien des francais sera important avec les economies d'energie. Donc la politique de l'autruche predomine. Ce n'est pas le seul domaine :il y a aussi l'education scolaire, la politique de la ville et le logement ou les changements restent tres limités mais necessaires.
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