Film

Retourner au charbon

4 min

Quand chômeurs et retraités s’allient pour ouvrir un parc d’attractions sur le site d’une ancienne mine, cela donne Mine de rien, comédie réjouissante et sociale à la fois.

PHOTO : Copyright M.E.S. Production

Buchy-les-Mines, petite ville à peine fictive du bassin minier dans le Pas-de-Calais, fait grise mine. Les enfants des gueules noires y sont devenus chômeurs, tandis que leurs aînés se battent pour ne pas perdre la mémoire – au sens propre comme au sens figuré. La mère d’Arnaud, atteinte de la maladie d’Alzheimer, se promène partout avec les cendres de son mineur d’époux dans une boîte de chocolat en poudre, tandis que la maire de la bourgade veut faire disparaître le carreau de mine situé sur le territoire de la commune, vestige à ses yeux d’un passé révolu.

C’est sans compter sur la mobilisation d’une partie de la population qui occupe le lieu comme une ZAD au milieu des corons. Pendant ce temps-là, Arnaud se débat avec l’existence près de sa mère malade, avec qui il cohabite dans la maison qui l’a vu naître, depuis que sa femme l’a quitté pour un avocat prospère. Restent de leur couple passé deux jumeaux de 14 ans vissés sur leurs smartphones et qui ne disent pas non à la perspective d’être adoptés par leur beau-père pour toucher son héritage. D’autant que celui-ci les emmène le week-end à Disneyland quand leur géniteur n’a à leur proposer qu’une partie de foot ou une promenade en forêt.

Bassin miné

Lorsque le film commence, Arnaud suit une formation avec son meilleur ami Di Lello pour devenir magasinier dans l’entrepôt logistique du géant mondial Armageddon, qui doit prochainement ouvrir dans la commune. Alors ils apprennent à déchiffrer les codes à rallonge indiquant quel produit aller prélever à quel endroit, et à se déplacer en hoverboard au péril de leurs os. Jusqu’à ce qu’un matin ils apprennent par un simple mot laissé sur la grille du local que l’entrepôt sera finalement implanté en Lituanie.

Alors que les emplois leur glissent entre les doigts, les héros du film ont l’idée d’ouvrir un parc d’attractions à la place de la mine

C’est alors, qu’après une phase d’abattement, Arnaud, Di Lello et Stella, la sœur de ce dernier, ont l’idée d’ouvrir un parc d’attractions à la place de la mine, en reconvertissant les anciens wagonnets en train-fantôme, les caddies d’une grande surface voisine en autos-tamponneuses ou encore une pelleteuse en chaises volantes. Pour arriver à faire exister cette ducasse de bric et de broc, il leur faut cependant encore surmonter de multiples péripéties, dont la dernière n’est pas l’opposition résolue de la maire, bien décidée à faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher le projet d’aboutir.

Terril en la demeure

Voici posée la trame de Mine de rien, sorti en salles juste avant le confinement et qui connaît ce mercredi une sortie accélérée en VOD. Se voulant avant tout une comédie populaire avec les ficelles et les stéréotypes inévitables du genre, le film de Mathias Mlekuz n’est cependant pas qu’un agréable divertissement. Sous ses dehors goguenards, qui doivent beaucoup au personnage campé par le toujours excellent Philippe Rebot, le film aborde en effet avec plus de finesse que Bienvenue chez les ch’tis un certain nombre de problématiques sociales propres à ces territoires dits en reconversion.

Le film baigne dans un mélange d’amertume et de fierté

Que faire d’un héritage essentiellement symbolique, alimenté par l’intense solidarité des gueules noires qui savaient se dresser, mais pas au point de sortir d’une exploitation les laissant exsangues, et leurs familles aussi, à la fermeture des puits ? Le mélange d’amertume et de fierté dans lequel baigne le film est bien résumé par la réplique d’Arnaud quand un ancien mineur se vante d’avoir arraché une semaine de congés payés supplémentaires aux patrons des houillères : « nous c’est pas des vacances qu’on veut, c’est du travail ».

Peut-on encore vivre et travailler au pays ? Comment se réinventer sans effacer son passé ? Telles sont ainsi quelques questions graves que pose le film, où la lutte des classes affleure encore derrière certaines interactions. Et le début de réponse qu’il propose, compter sur l’intelligence collective des habitants plutôt que de leur imposer des réponses technocratiques aléatoires, a sans conteste quelque chose de réjouissant. Et qui n’est pas sans résonner dans la crise sanitaire actuelle…

Mine de rien, par Mathias Mlekuz, disponible en VOD.

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