Les chiffres du chômage divergent, mais au final la situation ne se dégrade plus
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François Hollande a fait du chômage l’un des mètres étalons de son quinquennat. Si le chômage ne baisse pas, a-t-il dit, il ne sera pas candidat en 2017 à sa réélection. Il a également, personnellement ou par ses ministres, annoncé l’inversion de la courbe du chômage comme un objectif fixé au pays et comme une promesse faite à ceux qui souffrent.
Toujours trop de chômeurs
La conjoncture du début de l’année montre des signes de retournement. L’alignement de quelques facteurs positifs, la fin de la consolidation budgétaire en Europe, peut-être les premiers effets d’une politique de redressement de la compétitivité des entreprises française – Cice, pacte de responsabilité, mais aussi accord national interprofessionnel (ANI) et réformes du marché du travail – l’expliquent et laissaient espérer, enfin, un retournement du marché du travail.
Le nombre de chômeurs a augmenté de presque 1 million depuis mai 2012
Les chiffres des demandeurs d’emploi en fin de mois d’avril (DEFM), publié par la Dares le 1er juin douchent ces espoirs. La hausse du nombre de chômeurs en catégorie A (sans emploi et en cherchant un) s’accélère depuis le début de l’année, toutes les catégories d’âge sont touchées et si l’on s’intéresse à l’ensemble des catégories (de A à E, y compris les demandeurs d’emploi en activité et ceux sans acte positif de recherche d’emploi), le chômage atteint presque 6 millions en métropole. Si l’on regarde les catégories A,B et C (demandeurs d’emploi en recherche active), le nombre de chômeurs a augmenté de presque 1 million depuis mai 2012. L’amélioration de la conjoncture tarde toujours à produire ses effets sur le chômage, mais l’accélération est inquiétante et le temps commence à manquer pour redresser la situation avant l’élection de 2017.
Il y a chômeurs et chômeurs
Pourtant, jeudi 4 juin, par un télescopage des calendriers, un autre chiffre sur le chômage est sorti. Il s’agit du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT). La notion de chômeur est proche de celle retenue pour les demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) catégorie A. Il s’agit de personnes sans emploi, en recherche active et, à la différence de la notion des DEFM, disponibles immédiatement. C’est surtout la méthodologie qui est différente. Les DEFM sont recueillies par Pôle emploi, qui est le guichet qui distribue les allocations chômage et assure le suivi de chômeurs (il les accompagne dans leur démarche de recherche d’emploi pour employer la langue administrative). C’est donc une source administrative qui non seulement répertorie les chômeurs, mais les radie aussi lorsqu’ils n’ont pas rempli les conditions d’inscription (notamment s’ils ne se présentent pas aux convocations ou ne s’inscrivent pas à temps).
Le chômage au sens du BIT permet une analyse de meilleure qualité
Le chômage au sens du BIT est établi à partir de l’enquête emploi (un vaste sondage en continu qui interroge plus de 150 000 personnes par an, sélectionnées par un échantillonnage sans biais), selon les exigences du BIT. L’enquête emploi est bien plus coûteuse que la collecte des DEFM (un sous-produit de l’administration du chômage), mais permet une mesure non perturbée par les politiques de gestion administrative ou de suivi des chômeurs. Elle permet donc une bien meilleure comparaison du chômage entre pays ou dans le temps.
Cette (bien meilleure) mesure pâtit de deux graves défauts : elle est disponible 60 jours après la fin du trimestre (contre 30 jours après la fin du mois pour les DEFM) et elle n’est publiée que trimestriellement, alors que les DEFM le sont tous les mois. Résultat, toute l’attention se porte (tous les mois) sur les DEFM alors que le chiffre au sens du BIT passe presque inaperçu. Il faut dire que le ministère du Travail publie un communiqué à propos des DEFM (ici) et rien à propos du chiffre au sens du BIT.
La France résiste mieux
Le chiffre du 4 juin (le chômage au sens du BIT pour le 1er trimestre 2015) donne pourtant un diagnostic moins noir et pourrait laisser espérer une amélioration à venir du marché du travail dans les mois qui viennent. Guillaume Duval ou Eric Heyer et Bruno Ducoudré ont raison de noter que les taux d’activité baissent, et donc qu’il n’y a pas amélioration du marché du travail dans la période récente.
On est loin de l’aggravation que pointe le chiffre des DEFM
Mais on est loin de l’aggravation que pointe le chiffre des DEFM. Du côté des taux d’emploi (le nombre de personnes dans l’emploi rapporté à l’ensemble de la population en âge de travailler), depuis quelques trimestres, la situation ne se dégrade plus. Le taux d’emploi au premier trimestre est de 64,1 %, contre 63,9 % au premier trimestre 2012 et 65 % en 2008. Depuis 2008, la France a perdu 0,9 point de taux d’emploi, alors que l’Italie en perdait 2, l’Espagne 8,4, les Pays-Bas 2,0. La Belgique fait mieux que la France (une perte de 0,4) et le Royaume-Uni a augmenté son taux d’emploi depuis 2008 (+ 0,8) ainsi que l’Allemagne (+ 4,7). La France a mieux résisté que la moyenne la zone euro (– 1,3 %).
Finalement, François Hollande aurait dû s’engager à inverser la courbe du chômage trimestriel au sens du BIT plutôt que simplement la courbe du chômage ; il aurait été plus près d’y arriver.
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