Violences faites aux femmes

Les agressions sexistes et sexuelles ont aussi lieu au travail

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Ouvrières d'une usine textile au Cambodge PHOTO : © Michael Nagle/Redux-Réa

C’est un sujet tabou, pourtant les exemples ne manquent pas. Au Guatemala et au Mexique, les ouvrières des usines textiles subissent régulièrement des violences verbales ou physiques, rapportent les syndicats locaux. Au Cambodge, dans les usines textiles également, le harcèlement sexuel est vécu comme faisant partie du quotidien, témoigne l’ONG ActionAid Cambodia. Au Liban, l’association Kafa a relevé de nombreux exemples des violences sexuelles dont sont victimes les femmes éthiopiennes et bangladaises qui y travaillent comme domestiques.

Entre 40 % et 50 % des femmes subissent des avances sexuelles, des contacts physiques non désirés ou d’autres formes de harcèlement sexuel au travail

D’après la Confédération syndicale internationale (CSI), selon les pays, entre 40 % et 50 % des femmes subissent des avances sexuelles, des contacts physiques non désirés ou d’autres formes de harcèlement sexuel au travail. En France, une enquête de l’Insee de 2008 a montré que 4,7 % des viols étaient commis sur le lieu de travail et qu’une victime d’actes déplacés sur quatre les a subis en milieu professionnel.

Le problème, c’est que ces différentes formes d’agression sont encore souvent passées sous silence, soit par crainte d’un licenciement, soit par pudeur, soit parce que le sujet est trop tabou. De plus, dans certains pays, ces violences sont souvent tolérées et socialement acceptées. Résultat, la prévention manque cruellement et les auteurs de ces agressions restent largement impunis.

Pour une convention internationale

Pour que le sujet sorte de l’ombre, des syndicats (la CGT, la CFDT et la CSI) ont lancé il y a un an, à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre, une campagne de mobilisation. L’objectif : l’adoption par l’Organisation internationale du travail (OIT) d’une convention internationale sur les violences sexistes et sexuelles au travail. Un moyen de lutter de manière plus globale contre les inégalités entre les femmes et les hommes. « Ces inégalités commencent par les écarts de salaires et vont jusqu’au harcèlement sexuel et au viol sur le lieu de travail. Elles font système », explique Pierre Coutaz, membre du département international de la CGT et assistant de Bernard Thibault au conseil d’administration de l’OIT.

« Les inégalités entre les femmes et les hommes commencent par les écarts de salaires et vont jusqu’au harcèlement sexuel et au viol sur le lieu de travail. Elles font système » Pierre Coutaz

Ces syndicats ont été rejoints en octobre dernier par l’ONG française Peuples solidaires, qui a lancé une pétition afin de demander au gouvernement français et au Medef de soutenir cette proposition de convention internationale lors du conseil d’administration de l’OIT. « Une convention internationale serait une avancée concrète dans la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la sphère professionnelle », affirme Charlotte Soulary, chargée de mission à Peuples solidaires. « Elle serait un point d’appui pour obtenir la mise en place dans l’ensemble des pays d’une législation solide pour prévenir les violences sexistes au travail », explique Pierre Coutaz.

Cette pétition a recueilli plus de 18 600 signatures et le ministre français du Travail, François Rebsamen, a déclaré le 29 octobre dernier qu’il soutiendrait l’élaboration d’une norme de l’OIT de lutte contre les violences sexistes dans le monde du travail. De fait, la France a joué le jeu : le 11 novembre, au cours du conseil d’administration de l’OIT, la représentante de l’Hexagone a plaidé en ce sens. Mais seul le Canada a suivi le mouvement…

Blocage institutionnel

L’OIT connaît en effet depuis deux ans un blocage institutionnel qui l’empêche d’adopter de nouvelles normes. Cette institution onusienne est tripartite : elle est composée de représentants de syndicats, d’employeurs et des gouvernements, qui doivent voter ensemble les différentes normes. Celles-ci (conventions, recommandations ou déclarations) sont adoptées lors de la Conférence internationale du travail chaque année en juin. L’application des conventions est contraignante pour les pays qui les ont ratifiées. A l’exception des huit conventions fondamentales, qui s’appliquent de fait à tous les Etats membres de l’OIT.

« Depuis deux ans, le patronat a pour cible l’OIT» Pierre Coutaz

Le blocage actuel est largement imputé au groupe des employeurs, qui voient l’institution internationale comme un frein. « Depuis deux ans, le patronat a pour cible l’OIT. D’ailleurs, récemment, Pierre Gattaz, le président du Medef, a demandé que la France sorte de la convention 158 de l’OIT car elle oblige les employeurs à justifier les motifs du licenciement », raconte Pierre Coutaz. Résultat, les défenseurs d’une convention internationale sur les violences sexistes et sexuelles au travail doivent s’armer de patience : « Si tout se passe au mieux, cette norme internationale ne sera discutée qu’en juin 2017 », précise Pierre Coutaz. Pendant ce temps, les violences se perpétuent, trop souvent en toute impunité.

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