Sport

Le marché du travail du foot professionnel va-t-il exploser?

4 min
Angel Di Maria a récemment rejoint le PSG pour 63 millions d'euros. La pratique très onéreuse des transferts entre clubs va-t-elle bientôt disparaître? PHOTO : ©Laurent CERINO/REA

Le transfert retentissant d’un jeune attaquant français de Monaco vers Manchester United pour une somme allant de 50 à 80 millions d’euros est peut-être l’un des derniers gros transferts entre clubs. En effet, la FIFPro, Fédération internationale des footballeurs professionnels, vient de porter plainte devant les autorités européennes afin d’obtenir la disparition pure et simple du système des transferts

Un transfert est la somme d’argent qu’un club paye à un autre club pour s’attacher les services d’un joueur sous contrat, les joueurs étant sous contrat pour une durée minimale déterminée. Depuis l’arrêt Bosman (1995), les joueurs sont libres de leur destination à l’issue de leur contrat et, depuis 2001, ils peuvent théoriquement négocier leur départ au bout de deux ou trois ans, selon leur âge. Cette pratique aux relents esclavagistes est propre au football. Les sports professionnels américains, par exemple, utilisent les contrats à temps, mais interdisent la pratique des transferts.

La FIFPro veut accroître la liberté de négociation des joueurs et mettre en permanence les clubs en concurrence

Le système actuel résulte d’un compromis acté en 2001 après trois ans de négociations sous l’égide de la commissaire Viviane Redding. Il a également été influencé par des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), notamment l’arrêt Bosman, qui a supprimé la possibilité pour une fédération nationale de limiter le nombre de joueurs étrangers opérant dans une équipe, ce qui a intensifié la concurrence.

La plainte de la FIFPro vise à faire sauter le compromis de 2001. Le syndicat des joueurs affirme que les transferts sont illégaux, ce qui est indiscutable au regard du droit du travail. Son objectif est évidemment d’accroître la liberté de négociation des joueurs et de mettre en permanence les clubs en concurrence sur le marché du travail afin de faire monter les salaires.

Liberté du travail ou équité sportive ?

Pour comprendre la logique des transferts, il faut rappeler que le football professionnel est un marché du travail très particulier. Exception au principe de libre circulation des salariés d’une entreprise à l’autre, le contrat à temps a été accepté par la Commission car la liberté totale donnée aux joueurs de rompre leurs contrats risquerait de chambouler en permanence l’équilibre des forces au sein des championnats. Par exemple, un joueur pourrait porter successivement les couleurs de plusieurs clubs rivaux pendant la même saison ou un club pourrait recruter le joueur vedette de son principal rival juste avant le match les opposant. On voit donc que la liberté de mouvement des joueurs est en contradiction totale avec le respect d’une certaine régularité des compétitions, dans un secteur dont le succès repose sur la crédibilité et l’équilibre de la compétition opposant les différentes équipes. Il serait également difficile aux spectateurs de s’identifier à des équipes dont la composition ne cesserait de changer.

La question de l’équité sportive est d’autant plus vive que le football est peu régulé

La question de l’équité sportive est d’autant plus vive que le football est peu régulé, en particulier au niveau des clubs participant aux compétitions européennes. L’UEFA, responsable de l’organisation des compétitions à ce niveau, a tenté de promouvoir la notion de « fair play financier », mais celui-ci est centré sur l’équilibre des budgets des clubs, afin d’éviter un endettement excessif.

La question de l’équilibre des forces financières entre les clubs, qui auraient des chances à peu près égales de recruter les meilleurs joueurs, n’est pas traitée. En effet, contrairement à ce qui existe dans les sports professionnels américains, il n’existe pas de plafonnement de la masse salariale, si bien que les vedettes sont concentrées dans un nombre très limité de clubs riches.

Si la FIFPro obtenait satisfaction, un club très riche pourrait rapidement réunir dans la même équipe tous les meilleurs joueurs, simplement en proposant des salaires plus élevés. Il n’y a pas non plus de système de draft, les clubs mal classés étant prioritaires pour recruter les jeunes talents.

Les vedettes sont concentrées dans un nombre très limité de clubs riches

Cette organisation très approximative est liée à l’absence de ligue fermée en Europe. Les compétitions opposent des clubs en fonction de leur classement. Les meilleurs participent à la fois à une compétition européenne et à un championnat national. Ces deux compétitions ne sont pas gérées par les mêmes instances et distribuent des droits de retransmission télévisée très variables. Ainsi, la Premier league anglaise, étant parvenue à obtenir un quasi-doublement des droits télévisés (6,9 milliards d’euros pour la période 2016-2019) versés aux clubs, ceux-ci vont pouvoir dépenser plus d’argent que leurs rivaux des autres pays européens et attirer les meilleurs joueurs.

La suppression des transferts obligerait certainement à remettre à plat une organisation déjà déséquilibrée.

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !