Opinion

Pour un vrai développement de l’aide à domicile

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Philippe Frémeaux Editorialiste

Les fédérations d’associations d’aide à domicile, à commencer par l’UNA, ont organisé une mobilisation nationale samedi 7 mars, dans vingt-cinq villes françaises, afin d’attirer l’attention sur la situation de ce secteur, à la veille des élections départementales. L’aide à domicile aujourd’hui, c’est ce qui permet à plus de deux millions de personnes en perte d’autonomie – personnes âgées ou personnes en situation de handicap – de rester chez elles et d’y vivre correctement.

Un secteur dont la seule branche associative emploie 230 000 personnes. Un secteur où les départements jouent un rôle essentiel, puisqu’ils financent désormais plus de 70 % de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et qu’il leur revient, en parallèle, d’organiser sur leur territoire une offre de services d’aide et de soins à domicile à la mesure des besoins.

Financement inégal

Or, les départements décident librement du niveau de financement accordé aux services d’aide à domicile qui interviennent au quotidien auprès des personnes, et de leur mode d’organisation. Ce niveau est en moyenne insuffisant et est très inégal : le prix de l’heure d’intervention que les services d’aide sont autorisés à facturer peut varier de 50 % d’un département à l’autre.

Les salariés du secteur sont sous-payés et leur montée en qualification est insuffisante

Résultat : nombre d’associations sont aujourd’hui dans une situation très difficile. Et, dans tous les cas, les salariés du secteur sont sous-payés et leur montée en qualification est insuffisante, alors qu’elle serait nécessaire pour mieux satisfaire les besoins.

Ensuite, si les départements sont tenus d’appliquer des règles définies nationalement en ce qui concerne le niveau de l’APA, versée à toutes les personnes dont l’état de dépendance le justifie, les montants accordés sont souvent insuffisants et le reste à charge qui en résulte pour de nombreuses personnes, au vu de leurs revenus, les conduit à renoncer à une partie des aides dont elles auraient besoin.

Employeurs directs

Dans ce contexte, nombre de personnes se replient vers des formules moins coûteuses, en devenant notamment employeurs directs des personnes qui leur viennent en aide, ce qui n’est évidemment pas une bonne solution, en termes de continuité comme de contrôle de la qualité du service, sauf quand les aidants familiaux sont fortement présents, et encore…

Pour bien des décideurs, l’aide à domicile, c’est d’abord un gisement d’emplois à bas salaires à destination de personnes jugées non qualifiées

En conclusion, n’oublions pas que l’aide à domicile, tout le monde est pour. Les besoins sont là. Les services sont assurés par et pour les personnes qui vivent sur les territoires. Et cela permet de faire des économies en réduisant le nombre de personnes hospitalisées ou résidant en établissement. Mais, à creuser un peu plus, on constate que, pour bien des décideurs, l’aide à domicile, c’est d’abord un gisement d’emplois à bas salaires à destination de personnes jugées non qualifiées qu’il faut développer à coups d’exonérations fiscales et sociales qui profiteront d’abord aux ménages aisés.

Quelle place pour l’aide à domicile ?

L’aide à domicile qu’il faut développer est tout autre : elle propose des services de qualité, assurés par un personnel à la qualification reconnue. Elle prend en charge les personnes qui ont de réels besoins, quels que soient leurs revenus.

S’interroger sur la place de l’aide à domicile, sur les moyens qu’il faut lui consacrer, conduit à poser à nouveau les questions essentielles : quels types de biens et services sont les plus utiles ? Pourquoi travaillons-nous ? Quelles doivent être les finalités de l’activité économique ?

La question est bien de savoir si nous voulons une société qui s’accommode des inégalités au motif qu’elles permettent la multiplication d’emplois sous-payés, occupés comme par hasard très majoritairement par des femmes, ou si nous voulons une société qui assume un niveau élevé de redistribution afin d’assurer le bien-être, le bien vivre de tous.

 

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