L'économie autrement

Le sport joue aussi sur le terrain de l’ESS

6 min

[5 initiatives qui changent la société] Le sport a bien des vertus pour les territoires et les populations. A Roubaix, Toulouse ou dans les villages ardéchois, trois initiatives en font un outil d’inclusion sociale.

PHOTO : Jeanne Macaigne
Série 5/5

Le loisir ou de haut niveau, dans toutes les disciplines, des compétitions de village aux jeux Olympiques de Paris 2024, le sport met en avant ses « valeurs » et ses mérites éducatifs : inclusion, lien social, bénéfices pour la santé, esprit d’équipe, dépassement de soi, etc. C’est au plus près des populations et des territoires que trois expériences innovantes démontrent que le sport peut constituer un efficace levier de cohésion sociale… 

Le loisir ou de haut niveau, dans toutes les disciplines, des compétitions de village aux jeux Olympiques de Paris 2024, le sport met en avant ses « valeurs » et ses mérites éducatifs : inclusion, lien social, bénéfices pour la santé, esprit d’équipe, dépassement de soi, etc. C’est au plus près des populations et des territoires que trois expériences innovantes démontrent que le sport peut constituer un efficace levier de cohésion sociale.

Parkour 59, surmonter les obstacles

« Franchir pour s’affranchir », c’est une des devises de Parkour 59, association de Roubaix dont l’origine remonte à 2005, quand Larbi Liferki s’initie, avec un groupe d’amis adolescents, au parkour. Cette discipline a pour principe d’aller d’un endroit à un autre en milieu urbain par le chemin le plus court, mêlant escalade et acrobatie.

Très suivis, nos pionniers créent en 2009 une association, que la municipalité installe dans la « Free’ch », une ancienne usine textile où Parkour  59 bénéficie d’un bail de longue durée en contrepartie de la restauration et de l’aménagement du site. Larbi Liferki préside aujourd’hui une structure qui compte une vingtaine de salariés et 400 adhérents âgés de 3 à 62 ans, propose 45 créneaux d’entraînement et de nombreuses activités.

« Les sports urbains sont un levier très intéressant pour capter des jeunes qui rencontrent des difficultés familiales, de formation, d’accès à l’emploi, parfois de respect des règles et des autres », explique-t-il. « Nous répondons aux besoins économiques du territoire, en faisant le lien entre ces jeunes et des entreprises qui peinent à recruter », poursuit celui qui est aussi directeur des opérations à l’Agence pour l’éducation par le sport (Apels).

Le projet Trajectoire a par exemple permis d’en suivre 200 dans leur parcours professionnel, notamment repérés dans les quartiers par les coachs d’insertion par le sport de Parkour 59.

« Nous formons nos coachs à l’insertion par le sport, ils réunissent les missions de l’éducateur sportif, du conseiller d’insertion professionnelle et du manager en entreprise », ajoute le président, qui évoque « une recherche de performance sociale plus que de performance sportive ».

HexEco, la seconde vie du matériel sportif

A Toulouse, avec leur recyclerie HexEco, Rosine Ingabire et Morgane Thomas se sont lancées en 2021 dans la valorisation du matériel sportif usagé, qui représente 100 000 tonnes de déchets par an en France, selon l’Ademe. Dans le tiers lieu des Herbes folles, durant neuf mois, elles ont d’abord « expérimenté les flux : la collecte auprès des particuliers, des enseignes de sport et des clubs, le nettoyage et le tri », raconte la première, présidente de l’association.

Aujourd’hui, dans leur boutique solidaire du nouveau quartier de Croix-Daurade, elles vendent vêtements, chaussures et autres équipements 50 à 70 % moins cher que le prix du neuf. L’enjeu est également social, puisque cette valorisation permet à des familles défavorisées de réduire un poste de dépenses souvent important.

« Nous touchons des personnes des classes moyennes ou supérieures déjà convaincues, mais l’objectif est aussi de sensibiliser à l’écologie un autre public plus contraint économiquement, précise Rosine Ingabire. Le réemploi est un levier innovant et fédérateur. »

D’où le volet éducatif de HexEco, qui organise des ateliers et des outils pédagogiques, comme un « vélo-mixeur » qui produit des smoothies avec des fruits abîmés, dans le cadre d’un chantier d’insertion, ou encore un jeu autour d’un « sac à dos écologique ».

Mobil’sport, le sport où il n’y en a pas

« Si la population ne peut pas aller vers le sport, il faut que le sport aille à la population ! » Lancé en 2015 et vite débordé de demandes, le premier camion Mobil’sport a inauguré en Ardèche une flotte qui en compte aujourd’hui dixhuit en France, expose Johann Behr, chargé de mission à l’origine de cette initiative de la Fédération nationale du sport en milieu rural (FNSMR).

A bord, un animateur et du matériel pour proposer une quarantaine d’activités aux publics éloignés géographiquement de la pratique sportive, dans les « zones blanches » rurales où manquent les infrastructures, l’offre et l’encadrement sportifs. « C’est un gymnase qui bouge, beaucoup moins coûteux, avec un impact aussi important », estime Johann Behr. Les seniors et les enfants sont les principaux publics touchés.

Pour les premiers, gym douce, prévention des chutes, ateliers d’équilibre. Pour les seconds, des nouveaux jeux très prisés, plus inclusifs que les disciplines classiques, à destination des enfants scolarisés et même des tout-petits. « Avec notre côté couteau suisse, notre mobilité, nous pouvons répondre à de nombreuses demandes », souligne Johann Behr.

Les trois camions pour la Drôme et l’Ardèche ont ainsi touché plus de 10 000 personnes en 2022, dans des communes de 1 400 habitants en moyenne. Johann Behr insiste sur « la contribution à la cohésion sociale dans les villages » et à l’attractivité de ces territoires pour les néoruraux. « J’ai déjà entendu dire qu’on devrait nous donner une délégation de service public », s’amuse-t-il.

De l’ESS sans le savoir

Ces trois expériences partagent le désir de se développer, et le souci de leur financement dans un contexte devenu plus précaire. « Nous continuons à faire évoluer notre modèle économique pour faire face à la baisse des financements publics », confie Larbi Liferki. Si les adhésions et les prestations assurent une partie du budget de Parkour 59 et Mobil’sport, il leur faut multiplier les partenariats publics, et miser aussi sur le mécénat d’entreprise.

« Nous faisions de l’ESS sans le savoir. Chercher des financements privés nous a conduits à mieux expliquer notre activité, à valoriser notre impact social », constate Johann Behr, qui mentionne des partenariats avec Réseau de transport d’électricité (RTE), la Caisse d’épargne, Malakoff Humanis, le Crédit agricole, AG2R-La Mondiale ou Apicil.

De son côté, HexEco a pu accéder à ses nouveaux locaux grâce à la foncière Bellevilles. Passer les obstacles, recycler les énergies, aller plus loin : l’esprit sportif permet aussi de trouver des ressources nouvelles. A condition que les acteurs publics et privés soient convaincus de sa capacité à « réparer des bouts de la société », selon l’expression de Larbi Liferki.

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

Le débat « Des événements sportifs écolos et inclusifs, c’est possible ? », le samedi 25 novembre de 11 h 30 à 13 h aux Journées de l’économie autrement, à Dijon. Voir le programme complet de cet événement organisé par Alternatives Economiques.

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Commentaires (1)
Cédric TARTERET 09/03/2024
Bon article, bravo.
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