Entretien

"La situation du logement des jeunes est très préoccupante"

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Christophe Robert Délégué général de la Fondation Abbé Pierre

La Fondation Abbé Pierre a présenté le 1er février son 11e rapport sur l’état du mal-logement en France. Cette année, il met particulièrement en évidence les difficultés rencontrées par les jeunes. Au même moment, le Parlement discute d’un nouveau projet de loi portant " engagement national pour le logement ". Les explications de Christophe Robert

Quels sont les principaux enseignements de ce 11e rapport ?

Comme chaque année, nous constatons l’énorme insuffisance de logements pour les plus démunis, mais aussi pour les classes moyennes. Il faudrait 900 000 logements supplémentaires en France. Compte tenu de l’évolution des prix du logement, ce qui reste aux salariés modestes pour vivre, après avoir payé leur loyer, est souvent bien maigre : nous l’estimons à 100 euros par semaine en moyenne pour une personne qui perçoit le Smic, après prestations sociales.

Vous mettez l’accent cette année sur le logement des jeunes.

Leur situation est plus que préoccupante. Ils subissent une double crise : d’un côté, le chômage et la précarité, de l’autre, des hausses de loyers considérables. Au cours des six dernières années, nous avons constaté une augmentation moyenne de 29,5 % des loyers au moment des changements de bail. De plus en plus de jeunes n’arrivent pas à se loger dignement de façon autonome. La colocation se développe, les jeunes qui sont hébergés en foyer, théoriquement de façon transitoire, s’y installent durablement. De plus en plus restent chez leurs parents par obligation. Une partie non négligeable d’entre eux ont un véritable emploi et devraient pouvoir vivre de façon autonome. Cela touche tout le monde, pas uniquement les plus pauvres. Sauf dans les familles les plus aisées, les jeunes étudiants doivent travailler davantage qu’auparavant pour payer un logement, ce qui a des conséquences sur leurs études. Derrière cela, ce qui nous inquiète, c’est la pérennisation d’horizons de vie bouchés. La société doit offrir d’autres perspectives à ses jeunes.

Dans ce contexte, comment analysez-vous la politique actuelle du logement et notamment le nouveau projet de loi d’engagement pour le logement ?

L’investissement de la collectivité dans le domaine du logement, que nous estimons à 1,8 % du PIB en 2005, se situe à son niveau le plus bas depuis trente ans. On ne peut pas faire plus avec moins ! Depuis 2002, il y a eu, c’est vrai, un réel effort de construction de logements très sociaux : le nombre de logements destinés aux plus démunis est passé de 55 344 à 70 378. En 2005, on devrait atteindre 80 000 logements sociaux construits au total sur les 90 000 prévus. C’est un mieux, mais il ne faut pas se leurrer : un tiers de ces 80 000 logements ne sont pas de vrais logements sociaux du fait du niveau de leurs loyers. En même temps, nous constatons une lente érosion du pouvoir d’achat des aides au logement du fait de la hausse des prix. Dans tous les cas, nous sommes très loin du compte par rapport aux besoins.

En parallèle, certains députés voudraient réduire la portée de la loi de solidarité et de renouvellement urbain (qui contraint les communes à respecter une proportion de logements sociaux) par différents artifices, en considérant par exemple l’aménagement d’aires pour les gens du voyage comme des logements sociaux. C’est inacceptable : ce serait une remise en cause de la parole du chef de l’Etat lui-même.

Propos recueillis par Louis Maurin

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