Opinion

Feu le code du travail

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Jacques Rigaudiat Ancien conseiller social de Michel Rocard, auteur avec Yves Barou de " Les 35 heures et l'emploi ", La Documentation française, 1983.

Après le contrat nouvelles embauches (CNE) l’été dernier, voici maintenant le contrat première embauche (CPE). Décidément infatigable réformateur et " modernisateur " de la législation du travail, ce gouvernement poursuit fidèlement la route empruntée par son prédécesseur. Quelque mobilisation qu’il puisse susciter aujourd’hui, le CPE n’est que la dernière en date des nombreuses réformes du code du travail intervenues depuis 2002. Réformes dont l’instillation n’a pas, jusqu’à présent, suscité une émotion suffisante pour véritablement permettre de leur faire pièce.

Ainsi, en bientôt quatre années, morceau par morceau mais systématiquement, le code du travail aura-il été démantelé1. On aurait tort de ne voir dans tout cela qu’un processus purement négatif de " casse " de ce que le mouvement social avait réussi à imposer au cours de son histoire. Ce démantèlement est aussi un avènement, celui d’un ordre salarial nouveau. Contrairement à son prédécesseur (le capitalisme keynésio-fordien), le capitalisme que nous connaissons aujourd’hui n’éprouve plus le besoin de fixer sa main-d’oeuvre, ni de chercher à réguler ses débouchés à travers un compromis salarial assurant une progression du pouvoir d’achat qui soit, grosso modo, en phase avec celle de la productivité. Economiquement mondialisé et ayant ainsi débordé ses bases nationales, il se soucie médiocrement de ses débouchés intérieurs et veut mettre en concurrence les salariés du monde entier. Financièrement globalisé, il peut désormais le faire grâce à l’opposition entre la quasi-parfaite mobilité du capital et l’immobilité relative des forces de travail. Les consommateurs peuvent croire qu’ils y gagnent, les salariés y sont à tous les coups durablement perdants.

Cela fait maintenant bien longtemps que les institutions internationales, de l’OCDE à l’Union européenne, martèlent leur antienne en faveur d’une " réforme structurelle du marché du travail ". Après d’autres, la France qui résistait encore se rallie donc, volens nolens, au modèle salarial libéral. Le chômage peut bien se réduire, avec la flexibilité la pauvreté gagnera, comme ailleurs. Aussi, le défi pour l’avenir n’est-il pas de restaurer ce que nous sommes en train de perdre, mais de donner une réponse à la précarité de masse qui va s’installer et se développer. Il faudra pour cela inventer les institutions de droit qui permettront de la contenir et de la faire reculer. Le code du travail est mort ? Vive le code du travail !

  • 1. Voir " Le stroboscope législatif ", par Emmanuel Dockès, Droit social, sept.-oct. 2005.

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