Opinion

Nécessaire transparence

3 min
Corinne Lepage avocate, ancienne ministre de l'Environnement

En février dernier, j’ai remis à Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat chargé de l’Ecologie, un rapport sur la responsabilité environnementale des entreprises. Ce rapport - dont j’ignore à l’heure actuelle quel sera le sort - vise à restaurer la confiance des citoyens dans l’information et l’expertise. Une confiance mise à mal, au cours des années récentes, par de multiples fiascos depuis le scandale de l’amiante, en passant par le nuage de Tchernobyl ou encore l’affaire de la vache folle, jusqu’aux interrogations qui entourent aujourd’hui le développement des nanotechnologies et des OGM ou les risques liés aux radiofréquences... Il s’agit de contraindre le monde économique à assumer ses responsabilités, grâce à une plus grande transparence dans l’explicitation des choix et de permettre aux décideurs publics de prendre les décisions réellement en connaissance de cause.

Tout commence en effet par l’information. A la règle actuelle d’un droit d’accès à l’information, nous proposons de substituer un devoir d’informer. Il s’agit dans ce domaine de prendre modèle sur les législations américaine et anglaise. Une telle obligation amènerait en effet à exclure les études sur la santé et l’environnement du domaine du secret industriel. Elle imposerait également la publication des études préalables et des données sous-jacentes à la délivrance d’une autorisation dans la mesure où ces données concernent la santé et/ou l’environnement. Elle permettrait d’instaurer un statut de protection des lanceurs d’alerte. Elle susciterait la création d’un délit de rétention de l’information. Elle obligerait, enfin, à une réflexion sur la déontologie des médias, au regard en particulier de leurs annonceurs.

Mais, une bonne information et une bonne décision supposent également une réforme en profondeur de l’expertise. Il faut notamment traiter les conflits d’intérêts et le lobbying, sous couvert d’expertise, qui faussent la décision et sont à l’origine d’une défiance qui se généralise. L’expertise doit devenir partout pluridisciplinaire. Elle doit également être pluraliste en prévoyant que 25 % des membres des commissions représentent la société civile. Elle doit aussi faire l’objet d’une procédure contradictoire : les commissions d’experts devant trancher, en cas de désaccord, après avoir entendu le pour et le contre. Il s’agit de concevoir l’expertise sur le modèle judiciaire, en reconnaissant notamment des experts de parties. Les opinions minoritaires, le contenu des échanges et les données devront être rendus publics. Les experts seraient soumis à un code de déontologie, qui devra prévoir une obligation de compétence, d’indépendance, au sens financier du terme, et de responsabilité.

De telles réformes sont indispensables pour trouver un juste équilibre entre le développement technologique et les intérêts sanitaires et environnementaux sans lesquels il ne peut y avoir aucun progrès humain. La France n’a que trop tardé dans ce domaine.

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