Opinion

Le bloc-notes d’octobre 2013

4 min
Philippe Frémeaux Editorialiste

Collaboratif

L’économie collaborative a le vent en poupe. De quoi s’agit-il ? De multiples méthodes qui permettent d’accéder à des biens ou à des services sans passer par la case marché. Ces pratiques s’inscrivaient jusqu’à présent plutôt dans un cadre familial, dans le voisinage proche ou encore au sein d’un groupe professionnel. Désormais, grâce au Web 2.0, il devient possible, si vous avez prévu d’aller de Bordeaux à Lyon en voiture, de trouver des passagers qui partageront avec vous les frais du voyage. Si vous cherchez un endroit pour dormir arrivé sur place, d’entrer en contact avec des personnes qui disposent d’un canapé inutilisé dans un coin de l’appartement. Et enfin, si vous avez un vieux frigo en état de marche mais dont vous n’avez pas l’usage, de le céder pour une bouchée de pain, voire le donner, à qui en a besoin, plutôt que de le mettre à la décharge. Autant de pratiques qui augmentent le bien-être collectif, créent du lien social et permettent de dégager du pouvoir d’achat à d’autres fins, ce qui n’est jamais inutile en temps de crise. Une économie fondée sur la coopération et sur le partage, tout en étant écologiquement correcte.

Tout le problème est que le Web peut aussi permettre de développer des business qui échappent largement à l’impôt. Le site Airbnb, qui permet à des particuliers de louer pour quelques jours leur appartement, est ainsi dans le collimateur des hôteliers, qui l’accusent de concurrence déloyale. De fait, dans l’univers collaboratif, la TVA est rarement réglée, et les revenus dégagés souvent non déclarés au fisc. Au point que la nouvelle loi Logement a prévu d’encadrer la location en meublés de courte durée, pour éviter que certains propriétaires indélicats, notamment à Paris, préfèrent valoriser leurs biens de cette façon plutôt que de louer à des locataires à l’année.

Espagne

C’est la dernière idée à la mode chez les chroniqueurs économiques libéraux : la France serait prise en sandwich entre les pays du Nord de l’Europe, qui ont eu le courage d’engager de longue date les nécessaires-réformes-structurelles (entendez sabrer dans les dépenses sociales et accroître les inégalités salariales au détriment des plus faibles), et les pays du Sud qui, ayant pris conscience du déficit de compétitivité accumulé durant les années d’avant-crise financière, ont su réagir en portant le fer dans la plaie. Qu’en est-il vraiment ? On ne reviendra pas ici sur l’envers du modèle allemand. En revanche, examinons de plus près la situation de l’Espagne.

De fait, les comptes extérieurs sont rétablis, grâce aux recettes touristiques et à la bonne tenue des exportations, qui devraient atteindre 35 % du produit intérieur brut (PIB) en 2013, contre 25 % en 2009. Mais à quel prix ? Ce pourcentage doit d’abord être relativisé puisque le PIB espagnol a baissé de près de 10 % au cours de la même période. Surtout, le retour à l’équilibre des comptes courants résulte en grande partie de l’effondrement de la demande, et donc des importations, conséquence de la chute de l’activité et d’un chômage qui dépasse les 25 % de la population active. Avec une dette publique qui n’a désormais rien à envier à celle de la France (92,2 % du PIB en juin), un système financier qui demeure largement à restructurer et une croissance atone, l’Espagne ne trouvera pas son salut dans le toujours plus d’austérité.

Domestique

Jusqu’à l’an dernier, les employeurs de salariés à domicile - femmes de ménages, garde d’enfants ou aide à domicile - pouvaient payer les cotisations sociales de leurs salariés sur la base du Smic. Ce forfait aboutissait à réduire les droits à la retraite ou les indemnités journalières de tous les salariés dont le salaire réel était supérieur au Smic. Suite à l’élection de François Hollande, il a été décidé que les employeurs devraient désormais acquitter des cotisations sociales proportionnelles aux salaires versés.

On aurait attendu des employeurs qu’ils acceptent l’idée qu’un travail salarié, même exercé dans la sphère domestique et très majoritairement par des femmes, soit un emploi comme les autres et assure les mêmes droits. Eh bien pas du tout ! Non seulement des organisations d’employeurs ont protesté, mais il semblerait que la baisse du nombre d’heures déclarées cette année résulte pour partie d’une remontée du travail non déclaré, au point que le gouvernement envisagerait, dans la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale, d’introduire un léger abattement pour les employeurs. Désolant.

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