Les ravages de la surpêche

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" La mer est cultivée par les pêcheurs ", affirme le ministre de la Pêche Bruno Le Maire. Une idée fausse, le plus souvent. La pêche a en effet davantage à voir avec l’activité ancestrale de cueillette qu’avec l’agriculture. Sa pratique a cependant pris une tournure industrielle depuis cinquante ans et ne tient pas compte du fait que la ressource a besoin de se régénérer. La surexploitation des océans, poussée par l’évolution des habitudes alimentaires, encouragée par les pouvoirs publics du monde entier, est en train d’avoir raison d’écosystèmes au fonctionnement délicat et essentiel pour la vie sur Terre.

Zoom Une exploitation intensive et globale

Les quantités de poissons prélevées en mer, qui représentent 90 % des poissons pêchés, ont crû à un rythme élevé jusqu’à la fin des années 1980. Depuis, les prises stagnent à cause de la raréfaction des ressources. Dans le même temps, la capacité de pêche a explosé. Depuis 1970, le nombre de personnes vivant de la pêche a plus que triplé dans le monde, pour atteindre les 35 millions en 2006. Dans les pays développés, et particulièrement en Europe, l’exploitation des océans a longtemps été encouragée par les pouvoirs publics : selon un rapport du Sénat, le montant des aides publiques allouées au secteur de la pêche en France en 1996 dépassait son chiffre d’affaires ! L’Union européenne subventionne depuis plusieurs années la mise à la casse des vieux navires, mais ceux-ci sont remplacés par des bateaux plus puissants et plus performants. Cette course aux équipements rend nécessaire l’accroissement des prises pour couvrir les investissements. Pour pallier la baisse des captures sur ses zones côtières, l’Union européenne exporte ses capacités de pêche le long des côtes africaines et de l’océan Indien, au détriment parfois des populations et des ressources locales.

Captures mondiales de poissons en milieu marin, en millions de tonnes
Evolution des effectifs dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture
Zoom La pression de l’aquaculture

L’élevage de poissons tel qu’il est pratiqué aujourd’hui ne contribue pas à réduire la pression sur les stocks sauvages, loin de là. Un quart des captures mondiales en mer est en effet transformé en farines et en huiles servant à l’alimentation des poissons d’élevage carnivores, comme le saumon ou le cabillaud. Selon les espèces, la production d’un kilo de poisson d’élevage nécessite entre 1,2 et 5 kilos de poissons pêchés en milieu naturel. L’aquaculture entraîne aussi la pollution des zones côtières, la destruction des mangroves et la contamination de l’environnement et des espèces sauvages par les médicaments et les substances chimiques employés dans l’élevage.

Part de l’aquaculture et de la pêche dans la production de poissons, crustacés et mollusques en 1992 et 2006, en millions de tonnes
Zoom Le poisson dans les assiettes

De plus en plus consommé pour ses vertus diététiques dans les pays du Nord, le poisson est resté un aliment de base pour les populations en forte croissance des pays en développement qui n’ont pas accès à la viande. L’Asie, et la Chine en particulier, a beaucoup contribué à l’essor de sa consommation. Le poisson représente désormais environ 20 % de l’apport moyen de protéines pour 1,5 milliard de personnes dans le monde. Il occupe une place croissante dans les échanges commerciaux, un tiers de la pêche mondiale étant exportée.

Consommation de poissons et de fruits de mer, en kg par personne et par an
Principaux pays exportateurs et importateurs de poissons et de produits de la mer en 2006, en millions de dollars
Zoom Des écosystèmes gravement endommagés

Cinquante ans après les débuts de la pêche industrielle, les populations de grands poissons prédateurs (cabillaud, espadon, thon...) ont chuté de 90 %. Mais la surexploitation continue. En Europe, sous la pression des pêcheurs, les quotas de prises restent fixés à des niveaux beaucoup trop élevés, alertent les scientifiques, qui préconisent désormais des moratoires. Les quotas eux-mêmes ne sont pas respectés : 60 % du merlu et une morue sur deux seraient pris illégalement en Europe. Cette dernière espèce a disparu de Terre-Neuve.

Nombre de baleines tuées dans le monde
Prises de morues de l’Atlantique par le Canada, en tonnes

Même les espèces protégées, comme les baleines, les dauphins ou les tortues, sont toujours pêchées, soit illégalement, soit incidemment. En effet, les techniques de pêche les plus utilisées, comme le chalut, véritable bulldozer marin, ramassent toutes les espèces sans faire de détail. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime qu’en 1977, les pêcheurs ont rejeté à la mer 27 millions de tonnes d’espèces non recherchées pour une capture de 77 millions de tonnes. Dans les estuaires et près des côtes, la surpêche, conjuguée à la pollution (rejets industriels et urbains, résidus azotés liés à l’agriculture intensive...), a entraîné l’apparition et l’extension de véritables zones mortes. Les océans jouant un rôle essentiel dans la régulation du climat (ils captent la moitié des émissions de CO2), leur dépérissement est particulièrement inquiétant.

Pourcentage des prises totales effectuées dans les eaux maritimes européennes et considérées comme au-delà des limites biologiques de sécurité, en %

Lecture : 51 % des prises d’espèces comme le cabillaud, le haddock, etc., s’effectuent au-delà des limites biologiques de sécurité. Au-delà de ces limites, les risques de réduction des capacités reproductrices du stock deviennent très élevés.

Pourcentage des prises totales effectuées dans les eaux maritimes européennes et considérées comme au-delà des limites biologiques de sécurité, en %

Lecture : 51 % des prises d’espèces comme le cabillaud, le haddock, etc., s’effectuent au-delà des limites biologiques de sécurité. Au-delà de ces limites, les risques de réduction des capacités reproductrices du stock deviennent très élevés.

Estimation de l’ampleur de l’hypoxie et de l’anoxie en mer Baltique à l’automne 2007

* L’absence d’oxygène (anoxie) ou sa rareté (hypoxie) dans certaines zones côtières rend impossible toute vie aquatique. On recensait 146 zones mortes en 2004 dans le monde, leur nombre ayant doublé tous les dix ans depuis les années 1960.

Estimation de l’ampleur de l’hypoxie et de l’anoxie en mer Baltique à l’automne 2007

* L’absence d’oxygène (anoxie) ou sa rareté (hypoxie) dans certaines zones côtières rend impossible toute vie aquatique. On recensait 146 zones mortes en 2004 dans le monde, leur nombre ayant doublé tous les dix ans depuis les années 1960.

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