Les rapports développement durable ou l’art de bien communiquer

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Le Centre français d'information sur les entreprises analyse régulièrement les rapports sociaux et environnementaux des grandes entreprises françaises. Résultats de la cuvée 2008.

Diantre ! France Télécom se place en deuxième position, juste derrière Sanofi-Aventis, dans le classement établi par le Centre français d’information sur les entreprises (CFIE-Conseil) pour la qualité de son reporting social et environnemental. Cela confirme bien qu’il ne faut pas confondre reporting et management socialement responsable. L’opérateur de télécommunications est en effet dans la tourmente pour sa gestion sociale calamiteuse, avec une longue série de suicides à la clé. Mais cela ne l’a pas empêché d’établir l’an dernier un rapport social et environnemental plutôt plus complet que celui de la plupart des autres entreprises françaises, même si sur le volet social, le CFIE-Conseil notait déjà une performance médiocre... Quant au groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis, qui se trouve en tête de ce classement, il est loin lui aussi d’être véritablement un modèle d’entreprise socialement responsable (voir article page 71).

Un véritable savoir-faire

Huit ans après la promulgation de la loi sur les " nouvelles régulations économiques ", dite loi NRE, qui rend obligatoire la publication d’un certain nombre d’informations relatives à leurs politiques sociale, sociétale et environnementale par les entreprises cotées, les plus grandes d’entre elles ont en effet acquis un véritable savoir-faire dans la mise en forme de l’information. Et Martial Cozette, directeur de CFIE-Conseil, explique : " On constate une normalisation des données publiées. L’écart entre les entreprises tend à se resserrer. "

Les entreprises ont de plus en plus conscience que les rapports responsabilité sociale et environnementale, souvent nommés rapports développement durable, sont des outils de communication qu’il ne faut pas traiter à la légère. D’ailleurs, nombreux sont les responsables développement durable qui sont rattachés aux directions de la communication. Les entreprises cherchent évidemment à s’y présenter sous leur meilleur jour. Et Martial Cozette de regretter " l’autosatisfaction " qui caractérise, globalement, les documents passés au crible. " Il y a une vraie constance à fournir des éléments sortis de leur contexte, poursuit-il. Par exemple, si l’activité a fortement diminué, cela peut expliquer la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais cela n’est pas précisé... Le minimum serait de fournir des informations à périmètre constant (comme cela est fait dans les rapports financiers). "

Zoom La méthodologie du CFIE

Depuis la promulgation de la loi sur les " nouvelles régulations économiques " en 2001 1, CFIE-Conseil analyse chaque année l’évolution des pratiques de reporting des grandes entreprises françaises. Ce faisant l’organisme ne prétend pas porter de jugement sur les politiques effectivement menées. Il se contente d’évaluer l’exhaustivité et la précision des informations fournies dans les rapports d’une cinquantaine d’entreprises selon 22 indicateurs sociaux et environnementaux qu’il a sélectionnés, correspondant aux exigences de la loi NRE et de la Global Reporting Initiative 2.

  • 1. Pour rappel, l’article 116 de cette loi impose aux entreprises cotées la publication d’informations relatives à leurs politiques sociale, sociétale et environnementale.
  • 2. Référentiel sur lequel les entreprises peuvent s’appuyer pour produire des rapports sur les dimensions économiques, sociales et environnementales de leurs activités (voir page 15).

Très rares sont également les entreprises à faire des efforts sur l’ensemble des champs concernés : cela se traduit par le fait que très peu d’entreprises obtiennent, comme Saint-Gobain ou Vivendi par exemple, des notes relativement homogènes sur les trois domaines appréciés par le CFIE-Conseil, soit l’environnemental, le social et le sociétal (voir encadré sur la méthodologie).

Moins précis sur les sujets qui fâchent

Les sujets controversés sont également généralement très peu développés, les entreprises éprouvant toujours beaucoup de difficultés à aborder en détail les sujets qui fâchent. Bouygues reste flou sur les données sociales, notamment celles relatives à la gestion de la sous-traitance et de l’intérim, pourtant massivement utilisés dans le BTP. Les grands de la distribution, Carrefour et Casino, donnent très peu d’informations concernant leurs fournisseurs situés dans les pays en voie de développement. LVMH évoque de manière très peu précise son activité dans les diamants. Tandis qu’EDF, Suez Environnement ou encore Peugeot n’abordent pas suffisamment les conséquences de leurs activités sur l’environnement et ne détaillent pas les moyens mis en oeuvre pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Martial Cozette conclut : " Il faudrait que les entreprises publient chaque année un plan d’actions, avec des objectifs. Il serait ainsi possible d’évaluer les progrès réalisés d’une année sur l’autre. "

Zoom Peu de dialogue social autour du reporting

Alpha études, le centre d’études du Groupe Alpha, qui conseille les comités d’entreprise, réalise le même genre d’analyse des rapports NRE que le Centre français d’information sur les entreprises (CFIE-Conseil), mais en se concentrant uniquement sur la dimension sociale 1. Et il aboutit à un constat analogue : la qualité moyenne des informations fournies par les entreprises progresse. Sur les sujets les plus consensuels (santé, formation...), l’information est même devenue assez bonne dans l’ensemble : les entreprises ont été capables de s’outiller pour fournir une information de qualité à l’échelle mondiale. En revanche, sur les sujets plus conflictuels, tels que les restructurations, les rémunérations ou encore la sous-traitance, les informations sont beaucoup plus rares. Alpha en déduit que les limites du reporting sont politiques avant d’être techniques. Le groupe souligne également l’absence récurrente de dialogue avec les élus des salariés sur le contenu d’un reporting qui les concerne pourtant au premier chef : seules quatre entreprises (Carrefour, Lafarge, et Total) donnent la parole aux élus des salariés dans leurs rapports sociaux...

Enfin, il reste des entreprises en nombre non négligeable qui refusent toujours de jouer le jeu, telles qu’Unibail-Rodamco, Natixis, Capgemini, Essilor, Pernod Ricard ou encore Vallourec. Une mention spéciale pour ce dernier, classé 38e par le CFIE-Conseil, et qui en plus de ne pas établir de rapport social et environnemental correct, notamment parce qu’il n’y évoque pas sa politique en matière de parité, n’accueille aussi aucune femme au sein de ses instances de direction (voir page 32)...

Les classements 2008 du CFIE

N. B. : les entreprises en italique n’appartiennent pas au CAC 40. Par ailleurs, Alstom, EADS et STMicroelectronics sont absentes : la première parce qu’elle n’a pas communiqué à temps les informations, les secondes parce qu’elles sont de droit étranger et non soumises aux obligations de la loi NRE et qu’elles n’ont pas communiqué les informations nécessaires.

Les classements 2008 du CFIE

N. B. : les entreprises en italique n’appartiennent pas au CAC 40. Par ailleurs, Alstom, EADS et STMicroelectronics sont absentes : la première parce qu’elle n’a pas communiqué à temps les informations, les secondes parce qu’elles sont de droit étranger et non soumises aux obligations de la loi NRE et qu’elles n’ont pas communiqué les informations nécessaires.

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