Perpignan

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La zone d'emploi de Perpignan participe de ce grand Sud qui attire touristes et résidents en nombre. Epousant les contours du département des Pyrénées-Orientales, elle illustre aussi les difficultés découlant d'un dynamisme démographique que l'économie peine à suivre.

L’économie de Perpignan, comme son paysage, est d’abord marquée par le tourisme. Avec 11 000 emplois dans l’hôtellerie, la restauration, les campings et le commerce de détail, le secteur fournit en moyenne un emploi sur dix et jusqu’à un sur six au plus fort de l’été.

" La population est multipliée par treize en juillet et en août à Argelès ", s’exclame Silvain Czechowski, directeur de l’Agence d’urbanisme catalane. C’est d’abord le littoral qui attire les touristes, en particulier ses longues plages de sable, même si la côte se fait rocheuse aux abords de la frontière espagnole.

Le tourisme littoral s’est développé suite à l’aménagement volontariste de la côte du Languedoc-Roussillon par l’Etat, à partir des années 1960. La mission d’aménagement a organisé le développement des capacités d’accueil des villages sur le littoral, piloté la construction d’infrastructures, comme des ports de plaisance, et créé de toutes pièces des stations balnéaires, dont Saint-Cyprien. Résultat : la fréquentation touristique a rapidement crû. Mais cet aménagement se traduit aujourd’hui par une côte souvent bétonnée.

Les déséquilibres de l’équation touristique

Ce tourisme est populaire. Bronzette et baignade sont les principales activités et le camping le mode de logement de prédilection. Argelès-sur-Mer n’en compte pas moins de 55. " Se pose la question de sa valeur ajoutée, note Silvain Czechowski. Ce tourisme de masse reste peu contributeur malgré les menaces qu’il fait peser sur le littoral. " A quoi s’ajoute la concurrence de destinations soleil moins chères, au Maghreb notamment. L’heure est au projet d’une offre plus complète, mieux répartie sur le territoire, qui articule le tourisme balnéaire à d’autres, " culturel - avec les châteaux cathares ou l’art roman -, viticole, sportif ", égrène Jean-Jacques Marti, en charge de l’observatoire économique de la chambre de commerce.

Perpignan : structure de l’emploi

La zone d’emploi de Perpignan a pour elle les potentialités d’une offre diversifiée sur un petit territoire. Les stations thermales dans les Pyrénées essaient de prendre un nouvel essor. " Nous réfléchissons à une filière santé-bien-être en profitant du climat et de la thalassothérapie ", commente Jean-Jacques Marti. La montagne accueille également des touristes, été comme hiver, avec des stations de ski comme Font-Romeu, qui attirent les habitants de la région, mais aussi les Espagnols.

Le Languedoc-Roussillon est une des régions qui a le plus bénéficié de l’héliotropisme : soleil et littoral attirent les actifs et les retraités. La zone a gagné 133 000 habitants depuis 1975, une hausse de 44 %, quand la France ne voyait sa population croître que de 17 %. Avec un solde naturel négatif, cette croissance est uniquement due au solde migratoire.

Les secteurs tournés vers la consommation locale ont ainsi été stimulés : commerce, services aux particuliers et métiers du bâtiment regroupent 51 100 emplois, soit 35 % du total, contre 27 % en moyenne en province. Leur croissance est forte, jusqu’à deux fois plus qu’ailleurs pour le bâtiment. D’où l’idée de faire de ce secteur un vecteur de montée en gamme, avec le pôle de compétitivité languedocien Derbi, qui développe les énergies renouvelables dans le bâtiment.

Attractivité et chômage

Mais le dynamisme démographique se double d’un chômage plus marqué qu’ailleurs. En effet, son taux était de 12,9 % à Perpignan au quatrième trimestre 2010, contre 9,2 % en France. " On attire aussi des RMIstes ", ajoute Jean-Paul Alduy, président de la communauté d’agglomération Perpignan Méditerranée. Pour 100 habitants, on décompte 3,1 titulaires du RSA, contre 1,7 en moyenne en province.

Le développement de l’emploi se heurte à l’absence de filières structurantes dans un tissu économique dominé par les petites entreprises. L’agriculture, qui a pesé beaucoup dans le passé dans cette région viticole, recule pour ne plus compter que 7 500 emplois (soit 5 %, comme en moyenne en province). Réputée également pour ses abricots et autres fruits et légumes, elle est confrontée à la forte concurrence de l’Espagne et à la pression foncière. La vigne, traditionnellement tournée vers la production de vin de table, a ses propres difficultés, souffrant de la baisse régulière de la consommation. L’industrie, elle, n’a jamais décollé. Seul l’agroalimentaire emploie quelque 3 000 salariés. Le chocolatier Cémoi vient d’ailleurs d’investir dans une nouvelle usine, notamment en remplacement de celle détruite par un incendie près de Barcelone. " Le manque d’emplois est un handicap clairement identifié depuis longtemps ", note Silvain Czechowski. Pour y remédier, Perpignan Méditerranée cherche à développer un pôle nautisme, autour de Catana, le fabricant de catamarans, ou celui de voiliers Hanse Yachts.

Développer le secteur logistique

La communauté d’agglomération compte aussi sur la logistique, étant donné son positionnement sur la frontière espagnole. Le secteur s’est développé depuis l’entrée de l’Espagne dans le marché commun en 1986, en particulier dans le transport des fruits espagnols ou marocains en transit vers le reste de l’Europe. Mais sa croissance est restée moins soutenue qu’ailleurs. Perpignan Méditerranée a donc consolidé son infrastructure principale, le marché Saint-Charles, pour en faire une plaque tournante européenne en s’efforçant en outre de s’orienter vers l’éco-logistique. Les vastes toitures du marché ont ainsi été recouvertes de tuiles photovoltaïques.

Perpignan espère devenir le " port sec " de Barcelone, une plate-forme logistique en retrait, où on réorganise les marchandises arrivées en conteneurs pour les renvoyer vers leur destination finale.

Encombrée des Pyrénées, la frontière apporte encore peu à la zone. Quand l’isolation imposée par le régime franquiste a pris fin, après la mort du Caudillo en 1975, c’est d’abord sous les traits d’un concurrent agricole que l’Espagne est apparue. Aujourd’hui, la Catalogne française voudrait profiter du dynamisme de sa soeur hispanique. Jean-Paul Alduy, songeant aux modèles de Lille ou de Strasbourg, se prend à rêver de l’implantation sur le territoire d’entreprises espagnoles souhaitant s’imposer sur le marché français, séduites par un foncier disponible assez proche de la frontière pour que leurs salariés espagnols puissent vivre à cheval sur les deux pays.

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