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Dans les Pyrénées-Orientales, un golf de plus et beaucoup d’eau en moins

4 min

Dans le département le plus sec de l'Hexagone, l'aménagement en pleine garrigue d'un nouveau golf, symbole de consommation d'eau excessive au profit de privilégiés, suscite un tollé.

PHOTO : Juliette de Montvallon

Un golf de 18 trous, avec un hôtel et 600 logements, sur un total de 160 hectares, dans un coin de garrigue accablé par la sécheresse… Le chantier engagé à l'automne dernier à Villeneuve-de-la-Raho, dans les Pyrénées-Orientales, est « anachronique », ont dénoncé 92 universitaires de Perpignan dans une tribune, le 6 février dernier, rappelant que l'immense lac proche du futur golf n'est plus qu'« au tiers de sa capacité ».

Le 4 mars, c’était au tour du Conseil départemental de demander au ministre de la Transition écologique de « réinterroger ce projet (…) à la lumière des nouvelles réalités climatiques et hydriques ».

Depuis deux ans,...

Un golf de 18 trous, avec un hôtel et 600 logements, sur un total de 160 hectares, dans un coin de garrigue accablé par la sécheresse… Le chantier engagé à l’automne dernier à Villeneuve-de-la-Raho, dans les Pyrénées-Orientales, est « anachronique », ont dénoncé 92 universitaires de Perpignan dans une tribune, le 6 février dernier, rappelant que l’immense lac proche du futur golf n’est plus qu’« au tiers de sa capacité ».

Le 4 mars, c’était au tour du Conseil départemental de demander au ministre de la Transition écologique de « réinterroger ce projet (…) à la lumière des nouvelles réalités climatiques et hydriques ».

Depuis deux ans, la pluie se fait rare dans ce département qui subit, plus qu’aucun autre, les effets délétères du réchauffement climatique. Les nappes souterraines sont au plus bas et des rivières à sec, au point que 42 communes sont menacées d’être privées d’eau potable, dont cinq l’étaient déjà, partiellement ou totalement, fin janvier.

Le risque d’intrusion saline dans les aquifères côtiers s’accentue. Mais c’est aussi l’indice d’humidité des sols qui atteint un déficit record, jusqu’à – 90 % sur les flancs des massifs montagneux.

Menace sur les espaces naturels et sur l’eau

Pourtant, le 28 décembre dernier, la préfecture de Perpignan, qui multiplie depuis juin 2022 les restrictions d’usage de l’eau, a prorogé de cinq ans la déclaration d’utilité publique (DUP) du projet d’aménagement de la ZAC golfique de Villeneuve-de-la-Raho, selon la Fédération pour les espaces naturels et l’environnement des Pyrénées-Orientales (Frene 66).

La Frene 66 a aussitôt attaqué en justice l’arrêté préfectoral pour demander son annulation et l’abrogation de la DUP. « Cela fait vingt ans que dure la saga judiciaire du golf », déplore Marc Maillet, président de l’association, qui l’avait emporté contre un premier projet.

Le complexe a besoin au minimum de 200 000 m3 d’eau par an pour le seul arrosage du golf

En plus de menacer des espaces naturels et agricoles qui abritent un corridor écologique composé de zones humides et d’espèces protégées, le complexe aménagé a besoin au minimum de 200 000 m³ d’eau par an pour le seul arrosage du golf, selon l’avis de l’autorité environnementale (MRAE) en 2018. Un volume à revoir à la hausse depuis la sécheresse.

Egalement en cause : la réutilisation des eaux usées traitées de Villeneuve-de-la-Raho, envisagée pour plus de 80 % du volume. En effet, les rejets des stations d’épuration (hormis celles du bord de mer) sont désormais en priorité affectés à l’étiage des cours d’eau.

Marc Maillet redoute l’échec de son recours parce que son association a « toujours perdu au tribunal administratif de Montpellier », peu sensible au droit de l’environnement, mais il espère gagner en appel, comme dans « 70 % des actions précédentes ».

Surtout, l’écologiste compte sur la mobilisation d’opposants au golf pour lui faire échec. Une première manifestation, le 16 mars dans la commune catalane, a réuni quelques milliers de personnes, dont des représentants de partis de gauche.

L’ancien monde s’obstine

Comment considérer « d’utilité publique » un golf privé, destiné à une élite fortunée et très gourmand en eau dans un territoire qui en manque cruellement ?

Les 200 000 m3 d’eau prévus pour arroser les greens de Villeneuve-de-la-Raho sont à comparer avec les 300 000 m3 absorbés annuellement par le golf de 27 trous d’Agde (Hérault). Soit 100 000 m3 par tranche de 9 trous, sur le littoral méditerranéen. En Normandie, région pluvieuse, le volume envisagé pour arroser le golf 18 trous de Saint-Gatien-des-bois (Calvados) est moindre, entre 31 000 m³ à 71 000 m³ par an, selon un avis de la MRAE, en 2023.

Cela correspond à la consommation nationale moyenne annuelle d’eau d’un golf : 25 000 m3 par an et par tranche de 9 trous, selon les données de la Fédération française de golf, très inférieures aux estimations citées dans un rapport sénatorial de 2003 : 6 800 m3 par jour et, au total, 36 millions de m3 par an.

Des besoins si gigantesques au regard de la raréfaction de l’or bleu, qu’à Fontiers-Cabardès, dans l’Aude, voisine des Pyrénées-Orientales, le préfet s’est opposé, en janvier dernier, à un projet de golf 18 trous, en raison du déficit hydrique persistant. A cent kilomètres de là, à Montagnac, un projet similaire a été refusé en mai 2023 par le préfet de l’Hérault, pour le même motif. Partout, la priorité va au maintien des cours d’eau et des nappes, à l’eau potable et à l’irrigation agricole.

Mais l’ancien monde s’obstine : en plus des 728 golfs existants en France, dont 605 de 9 trous et plus, promoteurs et municipalités continuent d’en imaginer de nouveaux. A l’image de la Catalogne, dévastée par la sécheresse, mais toujours qualifiée d’« immense terrain de golf » par l’agence touristique régionale qui en vante les atouts.

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Commentaires (4)
Gourou51 15/04/2024
Et dans le même temps ils oseront l'interdiction de l'arrosage des jardins, le lavage des véhicules et le remplissage des piscines y compris en plastique. C'est à cela qu'on les reconnait comme disait Michel Audiard!
BRUNO 15/04/2024
A se demander comme pour l'A69, à quoi servent les consultations (autorité environnementale, enquête publique, services de l'Etat et autres) pour autoriser envers et contre tout des projets totalement anachroniques, à l'image de la relance du nucléaire... En crise sécheresse, les golfs sont "limités" à 100m3/jour, ce qu'un foyer de 3/4 personnes consomme en 1 an.
René 15/04/2024
Une vision très préfectorale du juger de l'utilisation d'un bien commun (Golf, bassines, déversement d'effluents polluants...) quand il est en péril : restriction pour le citoyen mais permission pour la privatisation.
PHILIPPE 15/04/2024
C'est affligeant... qui avait sinon dit "mon quinquennat sera écologique ou ne sera pas" ? Et que les manifestants fassent attention, il y a peu de chance qu'ils soient considérés comme exprimant "une colère légitime", eux.
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