Grenoble

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Rassemblant de très nombreux chercheurs sur son territoire, Grenoble a su développer des filières d'excellence dans les nouvelles industries. Et si l'agglomération n'échappe pas à la crise, son investissement important dans l'innovation lui permettra d'en limiter les impacts.

Tel un îlot de prospérité, l’agglomération grenobloise s’est longtemps crue à l’abri des vents mauvais. Avant la crise, entre 1999 et 2006, 1 500 entreprises et plus de 8 000 emplois étaient créées chaque année. Ce territoire n’a pourtant pas été épargné par les difficultés qui ont frappé la France depuis la fin 2008 : baisse d’activité, hausse du chômage, plans sociaux, croissance réduite... Entre 2008 et 2010, 2 000 emplois ont été supprimés. Signe de ce ralentissement, l’entreprise de travaux publics Caterpillar, qui emploie sur ses deux sites de Grenoble et d’Echirolles près de 2 700 personnes, a annoncé la suppression de 600 postes : un véritable électrochoc pour l’économie locale.

Si l’agglomération alpine est privilégiée par rapport à d’autres bassins d’emploi, elle n’en est pas moins dépendante d’une conjoncture mondiale qui se dégrade. " Mais globalement, nous avons plutôt bien résisté, nuance Marc Baïetto, président de la communauté d’agglomération Grenoble-Alpes Métropole. Un scénario Caterpillar aurait pu se reproduire, mais ce ne fut pas le cas. " Mais même si Caterpillar a annoncé au second semestre 2010 l’embauche de 300 CDD, le tissu des sous-traitants a particulièrement souffert.

Du nucléaire aux biotechnologies et aux nanotechnologies

Le secteur tertiaire représente 88 % du tissu économique grenoblois et 83 % des emplois. L’économie grenobloise est caractérisée par le poids important des administrations publiques territoriales, avec la présence entre autres de la mairie, du conseil général, du centre hospitalier et des trois universités. L’emploi public représente ainsi 67 000 postes sur l’aire urbaine (31 % de l’emploi). Mais surtout, la force de Grenoble réside, comme à Toulouse, dans la forte présence des emplois stratégiques liés aux fonctions métropolitaines (conception-recherche, prestations intellectuelles, commerce interentreprises, gestion, culture-loisirs), soit 14 % de l’emploi total, contre 7,3 % en 1982. Autre élément significatif : parmi ces cadres hautement qualifiés, 45 % proviennent du secteur de la conception recherche, soit le plus fort taux de France. " L’innovation nous protège, remarque justement Geneviève Fioraso, députée de l’Isère et première vice-présidente de la communauté d’agglomération, déléguée au développement économique. La fertilisation croisée issue du triptyque recherche-université-haute technologie permet au tissu économique de se régénérer constamment. De l’essor de l’hydroélectricité au XIXe siècle à celui - récent - des biotechnologies, en passant par le nucléaire, la tradition économique de l’agglomération grenobloise a toujours reposé sur l’innovation et la pluridisciplinarité. "

Grenoble : structure de l’emploi

Recherche sur la pile à combustible par le Commissariat à l’énergie atomique, énergie solaire, biotechnologies, nanotechnologies, Grenoble fourmille d’innovations. " Nous veillons à ce que ce développement puisse bénéficier aux industries traditionnelles ", précise Marc Baïetto. " Notre modèle n’est pas celui du "tout-service", ajoute Geneviève Fioraso. Nous sommes convaincus que si l’on abandonne la production, c’est l’ensemble de la chaîne de l’emploi qui en souffre. " C’est ainsi que les nanotechnologies se diffusent à tout l’appareil productif de l’Isère, avec par exemple la réalisation de vêtements intelligents qui s’adaptent à la température. Et si l’agglomération a perdu 1 310 emplois dans les machines et appareils électriques et 1 700 autres dans la chimie de base entre 1999 et 2008, elle a également connu une augmentation spectaculaire de 4 590 emplois dans les composants et matériels électroniques et de 2 840 dans l’informatique.

Filières d’excellence et grandes entreprises

Malgré la crise, le tissu industriel grenoblois reste donc solide. Les filières d’excellence de l’agglomération sont les technologies de l’information et de la communication (38 700 salariés), la bio-santé (9 300), la chimie-environnement (4 000) et les nouvelles technologies de l’énergie (17 000). Dans chacun de ces secteurs, l’agglomération accueille de grandes entreprises localisées dans la vallée à la fois à l’ouest et à l’est de la ville-centre. Comme le fleuron de l’électronique STMicroelectronics, qui a installé son usine à Crolles (4 600 emplois) et emploie 2 400 ingénieurs à Grenoble même, ou Schneider Electric (5 000 emplois), qui a fait de la ville alpine son centre de recherche mondial. Grenoble, c’est également l’américain Hewlett Packard (2 000 emplois), ST Ericsson, Soitec, le français Bull...

D’autres entreprises de haute technologie y sont installées : Siemens, dans la très haute tension, Pomagalski dans les transports par câble (télésièges, téléphériques, funiculaires...), Air liquide dans les cuves de fusée Ariane, les laboratoires BioMérieux qui ont déplacé leur centre de recherche depuis Lyon. Enfin, la cité alpine conserve des activités dans la chimie lourde, avec Arkema et surtout Perstorp (5 000 emplois), qui y dispose d’un site de production de chlorure de sodium (classé Seveso, comme l’ancienne usine AZF de Toulouse).

Une cité technologique et écologique

A côté de cette activité industrielle innovante, Grenoble est également le premier pôle de recherche publique après l’Ile-de-France, avec 11 000 chercheurs dans les universités et les centres de recherche (60 000 étudiants). Parmi les grands noms, on trouve le CEA (2 000 emplois), le CNRS et l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria). Mais l’agglomération profite aussi de grands équipements européens, tels que le Synchrotron, l’Institut Laue-Langevin (ILL) et l’EMBL (laboratoire de biologie moléculaire). La recherche privée, quant à elle, rassemble 6 500 chercheurs, avec notamment la présence d’Orange Labs et du centre de recherche européen de Xerox.

Grenoble : taux de chômage au 3e trim. 2008* et au 4e trim. 2010, en %

Dans le cadre du plan Campus mis en place par le gouvernement, le projet " Grenoble, université de l’innovation " devrait également contribuer à la consolidation de ces démarches et à l’affirmation de la capitale des Alpes comme cité technologique. Des pôles de compétitivité d’envergure internationale ont d’ailleurs été constitués, comme Minalogic, spécialisé sur les nanotechnologies et les logiciels embarqués 1, ou Lyonbiopôle, qui a pour but de lutter contre les maladies infectieuses à partir de systèmes d’administration originaux. Enfin, initié par le CEA depuis 2005, le projet Minatec (4 000 personnes) vise à rassembler recherche privée et publique sur les micro et les nanotechnologies. Dans cette même dynamique, le projet grenoblois d’institut de recherche technologique (IRT) en nanoélectronique compte parmi les six IRT retenus dans le cadre de la politique des investissements d’avenir du grand emprunt : 460 millions d’euros d’investissements sur dix ans. Par ailleurs, afin d’intégrer ces activités de recherche à la ville, un vaste projet urbain a été engagé, avec une éco-cité sur la presqu’île de Grenoble, pour un montant de 1,5 milliard d’euros sur les quinze prochaines années.

  • 1. Logiciels se trouvant à l’intérieur d’équipements n’ayant pas une vocation purement informatique : appareils électroménagers, téléphone portable, automobile, etc.

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