Visio Sourd Normandie : un call center à l’écoute

Environ 10 % de la population française est atteinte de perte auditive à des degrés divers. Le téléphone représente pour ces personnes l’un des obstacles les plus importants dans leur vie sociale et professionnelle. C’est pour elles que la coopérative Visio Sourd Normandie (VSN) a innové en mettant à leur disposition les nouvelles technologies. En créant un centre relais téléphonique de visio-interprétariat pour personnes sourdes, VSN leur donne la possibilité de communiquer à distance sans contrainte. VSN joue le rôle d’intermédiaire permettant à une personne utilisant la langue des signes française de joindre par téléphone un entendant grâce à un visiophone et à un interprète diplômé en langue des signes.

Développement et perspectives

"Il suffit d’un ordinateur équipé d’une caméra et une bonne connexion à Internet pour utiliser le service", explique Olivier Bonnet, directeur de VSN. La personne malentendante compose un numéro qui renvoie vers le centre relais. Là elle donne le numéro de son contact à un interprète et lui communique sa demande. L’interprète n’a plus qu’à répercuter la conversation entre les deux interlocuteurs. Visio Sourd Normandie est un des centres relais vers lequel sont redirigées les demandes. L’initiative est récente et ce sont des professionnels de la surdité, travaillant dans plusieurs structures normandes, qui en sont à l’origine. Olivier Bonnet, gérant de VSN, nous explique que l’idée était "de créer un projet pour aller au-delà de ce que les associations faisaient déjà." Pour cela, la coopérative travaille en partenariat avec la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) Websourd de Toulouse, créatrice technique du dispositif de visio-interprétation et coordonnatrice d’une douzaine de services.

Un salarié ou une entreprise souhaitant bénéficier du service de visioconférence devra souscrire un abonnement auprès de Websourd lui donnant accès au logiciel Elision qui permet les transmissions audio-visuelles. Visio Sourd Normandie s’est spécialisé dans l’interprétation et met à disposition de Websourd quatre interprètes titulaires d’un master en langue des signes française. Ils sont une ressource rare : on ne compte en France que quelque 350 diplômés. Ainsi travaillent-ils, comme toute l’équipe de VSN, à temps partiel (30 %) et sont actifs dans d’autres structures, à l’image d’Olivier Bonnet qui est aussi le directeur de l’Association régionale de l’insertion et de l’accessibilité des déficients auditifs (Ariada). Pour l’heure l’innovation intéresse uniquement les entreprises, du fait du coût très élevé du service : "probablement de l’ordre d’une centaine d’euros", estime Olivier Bonnet. Les entreprises qui salarient des personnes sourdes achètent un volume d’heures et reçoivent en compensation des aides de l’Etat, principalement de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Le gérant de VSN espère cependant voir bientôt ce dispositif étendu à la sphère privée, permettant à tous de pouvoir téléphoner en ne payant qu’une participation au coût du service.

Il est toutefois important de noter que VSN est, à l’heure de l’écriture de cet article, "en quelque sorte en veille", dans l’attente d’une relance d’activité prochaine par son partenaire Websourd (voir ci-après).

L’organisation

Le statut de société coopérative et participative (Scop) de la SARL Visio Sourd Normandie reflète le côté collectif du projet. "Ça aurait pu se faire dans le cadre d’une structure existante, mais l’idée était de créer un projet plus large", explique Olivier Bonnet. La Scop permet que chaque salarié (associé ou qui a vocation à le devenir) soit responsabilisé au projet. VSN est fortement dépendante de son partenaire Websourd pour qui il est un fournisseur spécialisé dans l’activité de visioconférence.

L’impact global

L’activité de VSN, en coopération avec Websourd répond non seulement à une demande du public mais aussi à une volonté gouvernementale. Le développement de plate-formes relais d’appels téléphoniques adaptées aux sourds a été inscrit au Plan d’action 2010-2012 du ministère du Travail en direction des personnes sourdes et malentendantes (la reconnaissance de la surdité comme un handicap s’inscrit dans la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées). Toutefois l’appel d’offres afférent a été repoussé, obligeant VSN à réduire ses ambitions. Une issue plus favorable est attendue pour 2013 et Olivier Bonnet de rassurer : "on est prêts à redémarrer demain."